Depuis 2014, Orange œuvre pour la transformation du secteur agricole en proposant différents services numériques dédiés aux producteurs avec l’objectif d’améliorer leurs revenus, d’accroitre leur productivité et de mieux les inscrire dans la chaine de valeur agricole. Ce sont par exemple des services de conseil, de marketplace, ou encore de gestion des exploitations.
Les technologies numériques pourraient également être mises au service du carbon farming en Afrique.
Le Carbon Farming s’impose comme une réponse aux enjeux climatiques et agricoles et une formidable opportunité de développement pour l’Afrique.
Qu’est-ce que le carbon farming ?
Au contraire de l’agriculture intensive qui appauvrit les sols et diminuent leur capacité à séquestrer le carbone, le carbon farming est un système agricole basé sur un ensemble de pratiques issues de l’agriculture de conservation permettant la réduction des émissions de CO2 tout en augmentant la séquestration de carbone dans le sol.
Pour retrouver un sol vivant et au-delà, sa fonction de puits carbone, une approche d’agriculture régénérative ou de conservation doit être incitée. Cela conduit par ailleurs à d’autres bénéfices, comme une meilleure qualité de l’eau et une plus grande protection de la biodiversité. L’objectif de produire mieux avec peu d’impact sur l’environnement s’appuie sur les trois piliers suivants : le non-travail du sol (application de techniques sans labour), une couverture permanente (pas de sols nus, introduction de cultures intermédiaires ou intercalaires), la rotation des cultures (pas de monoculture). S’ajoute un quatrième pilier autour du savoir : c’est une approche qui demande d’accompagner les producteurs pour faciliter l’acquisition de nouvelles pratiques et c’est le rôle des experts et conseillers agricoles de travailler en proximité pour réussir cette conduite du changement sur le terrain.
Les bénéfices escomptés du carbon farming pour les producteurs africains
Sur le continent africain, l’agriculture représente plus de la moitié des emplois et 15% du PIB. Majoritairement portée par de petits producteurs, elle se trouve confrontée à des défis immenses : changement climatique, dégradation des sols, accès limité au financement. Soil Initiative for Africa, portée par l’Union Africaine, vise à inverser la tendance et à restaurer la santé des terres agricoles.
Selon la publication « Carbon farming in Africa: Opportunities and challenges for engaging smallholder farmers », rémunérer les petits producteurs pour des pratiques agroécologiques constitue un levier puissant. Ce modèle de Payment for Environmental Services (PES) basé sur le marché du carbone, permettrait de concilier lutte contre le réchauffement et développement rural. Rémunérer les producteurs africains pour leur pratique respectueuse de l’environnement apparait comme un bon levier pour passer à l’échelle dans les actions limitant le réchauffement, tout en leur permettant un développement économique de leurs activités agricoles.
Impliquer les petits producteurs dans le carbon farming présente plusieurs intérêts :
- D’une part, cela peut améliorer le rendement de leur exploitation, diminuer leurs coûts de production, leur ouvrir des marchés à plus forte valeur ajoutée et leur apporter un complément de revenu grâce à la revente de crédits carbone. Une étude récente du Boston Consulting Group[1] montre de manière assez concrète que ce modèle d’agriculture est économiquement viable. Même si cette analyse a été menée en Europe, il est permis de penser que ce résultat est transposable sur le continent africain.
- D’autre part et de manière concomitante, ce type de pratique n’apporte que des avantages sur le plan environnemental et sociétal : un sol en bonne santé, une eau de meilleure qualité et une réduction des émissions de gaz à effet de serre permettent de projeter un scénario avec de meilleures conditions de vie pour l’ensemble des êtres vivants de la planète. Un cercle vertueux peut alors être envisagé.
Principes de la compensation carbone
Les activités économiques de nombreuses entreprises sont émettrices de carbone. Différentes politiques sont menées pour les réduire mais une certaine part reste incompressible. L’idée est de faire ce qu’on appelle de la compensation carbone au moyen d’un système d’échange. Pour cela, des règles au niveau international ont été établies, qui ont notamment fait l’objet du Protocole de Kyoto en 1997. Une notion de droit d’émissions a été définie, autorisant les pays riches à acheter des réductions d’émissions aux pays en développement via un principe de crédits carbone. Il faut bien préciser que cette contribution n’annule pas l’impact carbone de l’entreprise.
Initialement, un Marché Réglementé du Carbone destiné aux entreprises les plus polluantes a été mis en place. Celles-ci disposent d’un quota de carbone à émettre : elles peuvent vendre sur ce marché un reliquat du quota si non atteint aux entreprises qui ont dépassé le leur. En 2000, la CCNUCC[2] a créé le Marché Volontaire du Carbone qui est ouvert à toutes les entreprises et individus. Ceux-ci peuvent contribuer volontairement à des projets certifiés de séquestration carbone grâce à un échange de crédit carbone. Le coût du crédit (pour 1 tonne de carbone d’équivalent CO2) est lié à plusieurs facteurs : il va dépendre du type de projet, de sa localisation, du label de certification, de l’offre et la demande …
Lors de la COP 21 en 2015, l’Accord de Paris[3] a instauré deux nouveaux marchés carbone (Article 6 du traité) : le premier est un accord bilatéral entre deux pays, le second est un échange entre les pays et les entreprises privées.
Malheureusement, le marché du crédit carbone a été victime de nombreuses malversations et l’image associée à ce principe de compensation se trouve énormément altérée. Lors de la COP 26 en 2021 (Glasgow), il a été décidé de créer un « Supervisory Body »[4] (Article 6.4), organe ayant pour mission d’élaborer et superviser les exigences et processus pour rendre opérationnel et fiable le mécanisme de crédit carbone. Lors de la COP 29, les recommandations[5] faites par cette entité de l’ONU ont été adoptées, ce qui devrait permettre d’insuffler une nouvelle dynamique à un marché fortement éprouvé entre 2021 et 2023. Chaque crédit carbone sera associé à un registre centralisé unique afin d’éviter une comptabilité double ; les performances environnementales des projets seront auditées de façon fiable et indépendante[6].
L’écosystème d’acteurs pour la compensation carbone volontaire peut être relativement complexe[7]. Toutefois, les principaux rôles suivants sont identifiés :
- Le client final (financeur de la régénération) qui achète des crédits carbone pour compenser ses émissions,
- Le porteur et développeur de projet qui s’adresse à une communauté d’acteurs dont les activités favorisent la séquestration carbone et la régénération.

Principaux rôles du processus de compensation carbone
Afin que ce marché d’échange soit fiable et crédible, il est important de s’appuyer sur un système de certification permettant de vérifier la conformité des projets de compensation carbone. C’est ce qu’on appelle un standard carbone. Les deux principaux utilisés sur le marché volontaire du carbone volontaire sont Verified Carbon Standard (VCS)[8], porté par l’organisation Verra, et Gold Standard[9].
Les verrous à lever pour mettre en place un écosystème du Carbon Farming africain
La mise en place du carbon farming n’est pas sans certains défis, comme la complexité des processus ou encore le manque de régulations locales appropriées[10].
Les difficultés pour impliquer les producteurs africains, restent par ailleurs nombreuses :
- Ils doivent rapidement voir les bénéfices de ces nouvelles pratiques dans leur production en particulier sur le rendement.
- Ils doivent être formés aux techniques d’agriculture de conservation en lien avec leur activité agricole et cela nécessite de mettre en place un réseau de conseillers agricoles dans lequel ils ont confiance.
- Il faut également s’appuyer sur un système leur permettant de recevoir une indemnité anticipée pour les inciter à basculer plus facilement.
Mais un des principaux obstacles est de créer un lien fiable entre les acteurs de la régénération et les financeurs via le marché volontaire de crédits carbone. Cette démarche comporte des risques pour les entreprises cherchant à compenser leurs émissions. Les intermédiaires, comme les porteurs de projet, doivent être dignes de confiance pour éviter les fraudes à grande échelle. La principale difficulté est de garantir l’intégrité et l’authenticité des crédits carbone émis. Pour cela, un système MRV (Measurement, Reporting, Verification) est nécessaire pour suivre l’impact environnemental. Cependant, il n’existe pas encore de cadre méthodologique international unique. Le projet ORCaSa a recensé différents guides et méthodes de calcul, avec pour objectif d’unifier les systèmes MRV tout en les adaptant aux spécificités locales. Ces travaux se poursuivent dans un cadre international au sein du groupe Soil Carbon International Research Consortium dont l’une des ambitions est de proposer un framework MRV harmonisé[11].
Le premier verrou est donc de nature technologique et consiste à pouvoir quantifier le carbone dans le sol. La mesure est une des clés du système de compensation. Pour cela il faut réussir à mettre en place des solutions fiables à moindre coût.
Sur la partie « Mesures », une étude récente a comparé plusieurs méthodes pour évaluer le carbone organique du sol dans de petites exploitations au Kenya. Ces méthodes incluent des prélèvements analysés en laboratoire, des données collectées par capteurs, l’imagerie satellitaire et des modèles. Les critères principaux sont les bénéfices pour les producteurs, le coût, la qualité des mesures et leur adoption comme standard.
Même si les technologies satellitaires apparaissent actuellement comme des solutions moins précises, celles-ci commencent à être prises en compte dans les standards. Citons l’exemple de Boomitra[12], qui a reçu une certification de Verra en 2025 avec son système MRV alimenté par IA et images satellite. Cela montre aujourd’hui un potentiel qu’il est important d’explorer.

Le projet de recherche d’Orange Innovation “From Space to Field” a justement pour objectif principal d’étudier l’utilisation d’images satellites analysées avec de l’Intelligence Artificielle, pour faire notamment de la détection précoce d’anomalies (maladies, carences), et accompagner les petits producteurs en leur proposant des conseils orientant vers des pratiques agricoles plus durables. L’application ZitApp[13], développée pour le contexte de l’oléiculture en Tunisie, permet de réaliser ces objectifs en quelques clics. Elle a été conçue via des interactions régulières avec les utilisateurs potentiels et les acteurs de l’écosystème oléicole tunisien. Les tests ont montré l’appétence des utilisateurs, ont permis d’affiner la solution et les évolutions envisageables, par exemple en introduisant un chatbot pour rendre son utilisation encore plus simple.
Le même socle technique (analyse d’images satellites par l’IA) pourrait être utilisé pour détecter le potentiel de séquestration carbone dans les parcelles agricoles.
Une opportunité pour Orange
En accord avec la raison d’être d’Orange qui est d’être “l’acteur de confiance qui donne à chacune et chacun les clés d’un monde numérique responsable”, ses équipes de recherche explorent le potentiel de la télédétection et de l’IA pour mesurer efficacement la séquestration du carbone dans les sols. Les travaux, réalisés en partenariat avec le Centre de Recherche en Numérique de Sfax (CRNS), visent à développer des outils capables d’estimer, via l’analyse d’images satellitaires et de l’indice foliaire, la biomasse aérienne et souterraine – indicateurs clés de la captation de carbone. Les modèles élaborés seront validés par les observations de terrain des experts agronomes de l’Institut de l’olivier.
D’ici 2026, l’objectif est clair : proposer aux producteurs africains un service simple, accessible et fiable pour diagnostiquer le potentiel de séquestration carbone de leurs parcelles, et ainsi les accompagner dans la transition vers une agriculture durable et rémunératrice.
En conclusion, le Carbon Farming s’impose non seulement comme une réponse aux enjeux climatiques et agricoles, mais aussi comme une formidable opportunité de développement pour l’Afrique. En conjuguant innovation numérique, accompagnement des producteurs et valorisation des services environnementaux, Orange entend contribuer à faire germer une agriculture plus résiliente, plus juste et plus durable.
[1] https://www.bcg.com/publications/2024/unearthing-soils-carbon-removal-potential-in-agriculture
[2] Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques | Nations Unies
[3] https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf
[4] https://unfccc.int/process-and-meetings/bodies/constituted-bodies/article-64-supervisory-body
[5]https://unfccc.int/sites/default/files/resource/A6.4-SBM014-A06.pdf https://unfccc.int/sites/default/files/resource/A6.4-SBM014-A05.pdfhttps://unfccc.int/sites/default/files/resource/A6.4-SBM014-A05.pdf
[6] https://www.actu-environnement.com/blogs/boris-martor/455/aval-cop-29-une-relance-marche-carbone-volontaire-718.html#_ftn1
[7] https://librairie.ademe.fr/changement-climatique/5708-la-compensation-volontaire.html
[8] Verified Carbon Standard – Verra
[10] Voir Africa Carbon Markets: Status and Outlook Report 2024-25, p. 32 à 35
[11] https://soilcarbonfutures.earth/about/
[12] https://africanfarming.net/magazines/af_2025_05_26/spread/?page=16
[13] Prototype intégrant les algorithmes du CRNS
Sources :
- « Carbon farming in Africa: Opportunities and challenges for engaging smallholder farmers« [1] mars 2023.
- Les travaux d’Abdelaziz Kallel (chercheur au CRNS, Centre de Recherche en Numérique de Sfax)
En savoir plus :
Séquestration du carbone : un levier essentiel contre le changement climatique
Malgré la multiplication des initiatives pour réduire les émissions, la concentration de CO₂ dans l’atmosphère ne cesse d’augmenter, accélérant ainsi le réchauffement de la planète. « D’après les observations de Copernicus, l’année 2025 est en passe de devenir l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées. » – Copernicus: 2025 on course to be joint-second warmest year, with November third-warmest on record | Copernicus
Face à cette urgence, la séquestration du carbone – ce « piégeage » du CO₂ par les océans et les terres – apparaît plus que jamais comme une nécessité. Or, l’équilibre fragile entre émissions et absorption naturelle est aujourd’hui rompu : les puits de carbone actuels ne parviennent plus à compenser l’emballement des émissions.







