De nombreux chercheurs en sont convaincus : pour combattre et soigner la dépression, les jeux vidéo pourraient être aussi efficaces qu’une psychothérapie. Les recherches autour d’un hypothétique jeu vidéo thérapeutique ne sont pas une nouvelle fantaisie, mais bel et bien un axe de travail défriché dès le milieu des années 1990 par certains spécialistes auprès d’enfants autistes.
« Dans les thérapies avec les enfants, les jeux vidéo deviennent de plus en plus l’équivalent des rêves : une voie royale d’accès à l’inconscient », explique le psychologue Yann Leroux, pour qui ce médium de plus en plus réaliste et onirique permet de recréer un lien et une discussion avec les patients les plus difficiles.
Yann Leroux prend pour exemple le jeu ICO, dont l’ambiance a valu à son créateur japonais Fumito Ueda de nombreuses louanges. Ce jeu met en scène un jeune garçon injustement exclu par sa tribu et enfermé dans une forteresse en raison de sa différence physique avec le reste des habitants de son village.
Dans ce jeu, « l’abandon et la mise au ban du personnage principal permettent une identification facile pour l’enfant », précise Yann Leroux.
Œuvre thérapeutique
Dans ses travaux, le psychologue Michaël Stora choisit également ICO comme œuvre thérapeutique, capable de transformer la relation des patients avec le monde et les autres, en vue d’améliorer leur quotidien.
Dans l’aventure, le jeune héros rencontre rapidement Yorda, une autre prisonnière en détresse, « une femme qui est très vite investie par les enfants patients comme l’incarnation de la mère. Fragile, exsangue, elle représente en même temps la victime, mais aussi une clé qui permet […] de sortir de la prison. »
Michaël Stora en est convaincu : cette confusion positive que les patients peuvent entretenir entre réalité et fiction peut, dans certains cas, aboutir à des résultats satisfaisants. « Cette expérience sur une année m’a convaincu que le jeu vidéo, et plus précisément ICO […], possédait en soi tous les ressorts nécessaires non pas dans un travail d’élaboration par la parole, mais par le jeu lui-même. »
Le jeu vidéo deux fois plus efficace
En marge de ces pratiques déjà satisfaisantes ont été élaborées des études bien plus poussées. Dès 2011, des chercheurs néo-zélandais ont entrepris la création de SPARX, un jeu vidéo conçu pour traiter la dépression chez les adolescents ‒ une pathologie qui n’est traitée que chez 20 % des jeunes concernés. SPARX s’entend pour « smart, positive, active, realistic and x-factor thoughts », autrement dit une expérience permettant aux jeunes de combattre virtuellement des « mauvaises pensées ».
L’étude, effectuée auprès de 86 adolescents dépressifs, révèle que 44 % d’entre eux ont entièrement soigné leur pathologie. À titre de comparaison, sur un autre groupe soigné exclusivement avec des traitements cliniques classiques, seuls 26 % des sujets parvenaient à une guérison complète.
20 minutes par jour
En janvier 2017, une étude plus récente, effectuée cette fois auprès d’un public adulte à l’aide d’un jeu thérapeutique intitulé Project: EVO, confirmait cette tendance. Patricia Arean, professeur en psychiatrie à l’université de Washington, explique : « Nous pensons que ce jeu est efficace, car il exerce une zone particulière du cerveau que nous pensons associée à la dépression ». À raison de 20 minutes par jour, cette expérience vidéoludique aurait eu des effets positifs et concluants chez 80 % des patients. « Ce jeu vidéo est aussi efficace qu’une psychothérapie », conclut-elle.
Les recherches en la matière sont loin d’être terminées, mais il apparaît que les jeux, conçus initialement comme des outils thérapeutiques ou non, peuvent bel et bien avoir un impact positif sur le bien-être des patients de tout âge.