La valeur du digital en termes sociétaux, dans tous les domaines, de l’éducation à la santé, n’est plus à démontrer. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les articles de ce blog. Mais l’omniprésence du digital peut parfois interroger : la technologie a tellement envahi notre environnement quotidien qu’il nous arrive de ne plus la remarquer. Et pourtant…
Le digital, partout, tout le temps
En grande partie virtuel, « incarné » dans des logiciels, applications et autres algorithmes, le digital pousse son intégration jusqu’au monde physique : les quelques 100 000 arbres parisiens sont par exemple équipés de puces RFID !
Cette puissance digitale est tout aussi exponentielle : comme l’explique Nicolas Demassieux, Directeur de la Recherche d’Orange , « le digital est capteur de valeur au sens économique du terme, mais aussi capteur de connaissances, ce qui est moins visible. Avec lui, il est possible d’accumuler un immense capital de savoirs sur le monde. Une entreprise comme Google a développé un patrimoine d’érudition qui fait de l’entreprise une sorte de Pic de la Mirandole 2.0 » ‑ cet humaniste italien du XVe siècle à l’érudition devenue légendaire… De fait, la firme de Mountain View investit des champs multiples, dans la santé par exemple, l’entreprise ambitionne de prévenir – et in fine d’éradiquer – toutes sortes de pathologies à travers son projet Baseline. Ce dernier vise à « cartographier » ce qu’est la bonne santé humaine en collectant pendant 4 ans, auprès de 10 000 participants, un vaste éventail de données de santé : informations cliniques, imagerie médicale, comportements, environnement, etc. Plus récemment, Google a annoncé son intention de compléter son indexation du Web par une indexation du monde réel, en couplant les caméras Streetview avec des algorithmes d’IA capables de détecter et reconnaitre tous les objets qui peuplent nos villes : panneaux de signalisation, abris-bus, enseignes de magasin, places de parking … seront alors repérés et enregistrés dans une gigantesque base de données !
Du libre-arbitre dans le monde 2.0
Quand Lawrence Lessig, juriste et défenseur de l’internet libre, écrit à l’aube du deuxième millénaire son texte « Code is law », il pose une question fondamentale, celle de la liberté dans le cyberespace, et celle de la « régulabilité » de l’internet. Une question qui s’étend au digital dans son ensemble.
Les enjeux soulevés sont de taille. La technologie revendique de plus en plus un pouvoir de décision sur nos vies à travers l’intelligence artificielle. Et le plus souvent, nous consentons à ce qu’elle exerce ce pouvoir et lui déléguons librement. Cela commence avec les systèmes ABS, où des capteurs équipés sur les roues, un calculateur et un dispositif de freinage hydraulique aident le conducteur à garder la maîtrise de son véhicule lors d’un freinage d’urgence.
Errare robotum est ?
Mais que se passe-t-il quand le système présente une défaillance ? Car l’infaillibilité maximale n’existe pas, et l’actualité se charge de faire des piqûres de rappel régulièrement. « Comme ce robot-vigile qui avait renversé un bébé dans un centre commercial californien en 2016 » ou, plus récemment, cet autre robot qui se serait tombé dans une fontaine à Washington
Pour autant, il faut garder en tête tout le potentiel lié au numérique et aux nouvelles technologies. L’IA a commis, commet et commettra des erreurs, mais il faut porter sur ces sujets un regard systémique, une vision d’ensemble, selon Nicolas Demassieux.
Halte à l’hystérisation !
« Prenons l’exemple des véhicules autonomes : globalement, leur conduite sera meilleure, car eux ne boiront pas ou ne téléphoneront pas au volant. Nous assistons à une certaine hystérisation des débats d’où ressort parfois un excès de précaution, en particulier autour de l’IA. Il faut ramener de l’apaisement, de la responsabilité et de l’objectivité dans ces discussions. Cela commence par une prise de conscience du potentiel lié aux nouvelles technologies et au digital, mais également de leurs risques. C’est maintenant qu’il faut initier une analyse de ces risques, avant de mettre en place des dispositifs permettant de les atténuer ou de les éradiquer chaque fois que cela est possible. » Autrement dit : contre les risques du virtuel, existent des solutions… bien réelles !
« La toute-puissance du digital mérite les débats qu’il soulève. Mais il faut éviter l’écueil de l’hystérisation ou de la sur-précaution… »