En diversifiant les sources de production et les modes de consommation des énergies renouvelables (EnR), en incitant des acteurs locaux à se lancer dans la production, l’ACC est porteuse de nombreuses promesses : augmentation de la quantité d’énergie renouvelable disponible, amélioration de la synchronisation entre production et consommation évitant ainsi la problématique du stockage, déploiement d’infrastructures consensuelles dans les territoires, meilleure implication des acteurs locaux dans la gestion de la question énergétique, etc.
L’Auto Consommation Collective peut offrir des tarifs compétitifs par rapport aux prix du marché, avec une perspective de prix stable sur 15 à 20 ans.
Définition et fonctionnement de l’Auto Consommation Collective
L’autoconsommation peut prendre deux formes différentes : l’une est individuelle (ACI), l’autre collective (ACC).
Dans l’ACI, le producteur est également le consommateur unique, alors que dans l’ACC l’électricité produite par une ou plusieurs installations, est consommée par un collectif d’entreprises, d’organisations ou de personnes qui se mettent d’accord pour investir et définir entre eux le prix et la répartition de l’énergie produite. Schématiquement, cela peut se présenter de la façon suivante :
L’autoconsommation individuelle est la plus développée en France, elle consiste pour un particulier ou pour une entreprise à créer une installation de production d’énergie et d’en consommer tout, ou partie – le solde, s’il en est, étant en général injecté sur le réseau Enedis.
Dans le code de l’énergie[1], l’autoconsommation est qualifiée de collective si « la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finaux ». Les producteurs étant des personnes morales (entreprises, collectivités locales – souvent une mairie) ou physiques mettant un toit ou un terrain à disposition, contre rétribution ou non, pour l’installation d’une centrale de production (généralement des panneaux photovoltaïques). Les consommateurs sont ceux qui souscrivent un contrat d’achat d’électricité avec l’entité qui commercialise l’électricité produite. Cette dernière est intitulée « centrale villageoise » de production d’énergie, lorsque des particuliers sont impliqués dans sa gouvernance et que le projet correspond au label éponyme.
Une opération d’ACC est obligatoirement connectée au réseau électrique afin de pouvoir distribuer l’énergie produite aux différents consommateurs participants.
On distingue trois types d’opérations d’ACC suivant le type d’acteurs impliqués :
- Les opérations patrimoniales qui se caractérisent par le fait que producteurs et consommateurs sont la même entité juridique et l’électricité est donc partagée uniquement entre les bâtiments appartenant au même patrimoine immobilier (Mairie, écoles, gymnase, cantine, etc.) ;
- L’ACC est dite sociale lorsqu’elle réunit un organisme HLM avec ses locataires, et uniquement ses locataires ;
- Les opérations ouvertes dans lesquelles les producteurs et les consommateurs sont des entités physiques ou morales différentes. C’est le principe d’une communauté locale d’énergie.
Dans une opération d’ACC, la présence de plusieurs producteurs et consommateurs et la réglementation rendent nécessaires :
- La création d’un structure juridique interlocutrice d’Enedis : la Personne Morale Organisatrice (PMO) dont le rôle est d’être responsable de l’équilibre entre la production d’énergie électrique et sa consommation locale auprès d’Enedis ;
- La fixation d’une règle (nommée clé de répartition) pour l’attribution et la facturation de l’énergie produite entre les différents consommateurs ;
- La fixation d’un prix ou de prix différents pour les différents profils de consommateurs (entreprise, ménage, ménage en précarité énergétique, etc.).
L’ACC et l’ACI permettent de mettre en place une production et une consommation électrique décentralisées, s’écartant en cela de la structuration centralisée historique du marché de l’énergie et de sa réglementation.
Apports et viabilité de l’ACC
L’étude menée par les chercheurs sociologues d’Orange révèle que l’ACC peut offrir des tarifs compétitifs par rapport aux prix du marché, avec une perspective de prix stable sur 15 à 20 ans. La diversité des profils de producteurs, incluant des entités publiques, privées et coopératives, enrichit le système. Sur le terrain, les promoteurs de l’ACC surmontent progressivement les obstacles législatifs – la réglementation évoluant rapidement – et les résistances – de moins en moins fortes – des acteurs historiques de l’énergie électrique. Ils adaptent les projets d’ACC à une variété de consommateurs (particuliers, commerces, industries, bureaux) pour optimiser le taux d’autoconsommation et la viabilité financière des projets.
Défis et perspectives
Cependant, l’accès au foncier nécessaire à l’installation des infrastructures d’énergie renouvelable (EnR) devient de plus en plus concurrentiel et cher, augmentant ainsi les coûts de production. La relation entre les financeurs de l’investissement dans la centrale de production et les parties prenantes influence directement le prix de revente de l’énergie. En particulier le degré de (in)dépendance de la Personne Morale Organisatrice (PMO), c’est-à-dire l’entité qui porte le projet local et les financeurs de l’investissement, peut influencer directement deux éléments déterminants du projet : la répartition de l’énergie produite entre les participants de l’opération et le niveau de prix auquel les participants auront accès. Autrement dit, si des financeurs, dans une logique de retour sur investissement, contrôlent la PMO, le risque est de les voir chercher à maximiser leurs gains en fixant un niveau de prix bien plus élevé que celui qui serait exigé par la couverture des seuls coûts d’exploitation et de gestion. Cependant, de nouveaux professionnels (Enercoop, Enogrid, etc.) émergent, offrant des services spécialisés pour accompagner le développement de l’ACC en garantissant le respect d’objectifs collectifs d’une énergie locale décarbonée à prix faible et stable à long-terme.
Du côté des consommateurs
Les individus parties prenantes de l’ACC sont doublement motivés – en tant que citoyens conscients des transformations climatiques en cours et en tant que consommateurs d’énergie. Ainsi, les participants à une opération d’ACC changent leurs pratiques sans difficulté majeure en décalant dans le temps le déclenchement d’appareils ménagers (le chauffe-eau, etc.) pour faire coïncider leur fonctionnement avec les heures de production des panneaux solaires installés localement. Cependant, l’analyse détaillée de leurs pratiques montre un déficit d’information concernant plusieurs facteurs qui pourraient influencer leur décision de consommation : sur l’origine des flux électrique effectifs (entre panneaux solaires, éolien, hydraulique, nucléaire, ou de source carbonée) suivant les heures de la journée, le seuil de consommation dépassé ou non par rapport au droit de tirage défini par le contrat d’ACC, sur la consommation réelle des appareils ménagers en puissance et en durée. En effet, les outils numériques sont encore rudimentaires, et ne permettent pas en l’état à un ménage d’optimiser et d’automatiser des règles de décisions qui leur permettraient de mieux réaliser leur objectif principal qui peut être la réduction de l’impact environnemental, l’accès à une énergie moins chère, un gain de résilience, ou l’assurance d’une origine géographique locale de la production.
Impact environnemental et social
Bien que l’ACC n’apporte pas nécessairement une valeur environnementale supplémentaire par rapport aux projets non collectifs, elle stimule l’engagement en faveur des EnR. En effet, les consommateurs impliqués dans l’ACC témoignent d’une motivation à changer leurs habitudes énergétiques, et les technologies numériques, bien que naissantes, soutiennent cette transition. L’ACC favorise également l’autonomie énergétique des territoires, sans compromettre la solidarité nationale qui reste la valeur essentielle sur laquelle a été construit le réseau électrique national. En effet, deux règles de tarification s’appliquent à l’énergie distribuée dans le cadre de l’ACC : unicité du prix de transport de l’électron quelle que soit la distance parcourue sur le réseau entre le site de production et le site de consommation et unicité du prix de l’électron consommé sur tout le territoire.
L’autoconsommation collective (ACC) : une solution d’avenir pour la transition énergétique
L’autoconsommation collective (ACC) se présente comme une innovation majeure dans le paysage énergétique, offrant une production d’énergie renouvelable décentralisée et résiliente grâce à la somme de petites productions photovoltaïques locales. Cette approche, bien que nécessitant des investissements initiaux conséquents mais partagés entre les parties prenantes, promet des bénéfices à long terme, notamment en termes de stabilité des prix de l’énergie et de réduction de la dépendance aux énergies fossiles.
[1] Code de l’énergie article L.315-2