● Leur succès repose sur trois atouts majeurs : des datacenters déjà opérationnels, des contrats énergétiques avantageux et une expertise technique unique en refroidissement et gestion de haute densité.
● Partenaires clés de Nvidia, ils sont incontournables pour l’entraînement des modèles d’IA mais ils devront prouver la pérennité de leur modèle.
L’IA redéfinit les besoins de calcul à l’échelle mondiale, et c’est une aubaine pour un nouveau type d’acteurs émergents dont la croissance est sans précédent : les Neoclouds, pour certains issus de l’industrie des cryptomonnaies, transforment le marché en proposant des solutions spécialisées et plus flexibles face aux hyperscalers. Comme l’analyse Nicolas Bugault, expert cloud chez Orange Business, « ces entreprises ont su tirer parti de leurs infrastructures de calcul à haute densité pour offrir des capacités de calcul GPU sans précédent, avec une agilité qui remet en question les modèles établis ». La particularité de ces Neoclouds réside dans leur capacité à combiner rapidité de déploiement, spécialisation technique et modèle économique innovant. En somme, ils misent sur une approche ciblée, optimisée pour les charges de travail les plus exigeantes en calcul. Cette différence explique pourquoi des acteurs comme Mistral ou Anthropic font appel aux Neoclouds pour leurs besoins en entraînement de modèles d’IA.
Cette transition s’appuie sur des datacenters déjà opérationnels, des contrats énergétiques de très grandes puissances et une expertise dans la gestion d’infrastructures à très haute densité de calcul
Du minage vers l’IA
« Un grand nombre de ces acteurs trouvent leurs racines dans le minage de crypto-monnaies » explique Nicolas Bugault. Face à la volatilité et à la baisse de la rentabilité du minage des cryptos, ces entreprises se tournent vers l’IA. « Cette transition s’appuie sur trois piliers : des datacenters déjà opérationnels, des contrats énergétiques de très grandes puissances dans des régions où les tarifs sont avantageux, et surtout une expertise technique pointue dans la gestion d’infrastructures à très haute densité de calcul. » L’exemple de Sesterce illustre cette métamorphose. En février 2025, la société annonçait un investissement de 500 millions de dollars dans un datacenter en France. « Alors qu’un hyperscaler traditionnel nécessite au minimum six mois pour mettre en service un nouveau datacenter, un Neocloud peut réaliser cette opération en quelques semaines seulement. » Cette agilité s’explique par leur maîtrise des technologies avancées de refroidissement, comme le liquid cooling direct to the chip ou même au-delà l’immersion cooling, initialement développées pour les fermes de minage mais qui s’avèrent également nécessaires aux nouvelles et futures générations de GPU (Blackwell, Rubin, Feynman). Là où AWS, Google Cloud ou Microsoft Azure visent une clientèle diversifiée avec des solutions d’IA larges et généralistes, les Neoclouds se concentrent exclusivement sur les charges de travail les plus exigeantes : l’entraînement de grands modèles de langage et les applications de calcul haute performance.
Des partenaires privilégiés de Nvidia
La relation privilégiée entre les Neoclouds et Nvidia est l’une des clefs du succès. « Les Neoclouds représentent collectivement près d’un million d’unités GPU, ce qui en fait le deuxième segment client en importance après les hyperscalers » souligne Nicolas Bugault. Ils ont donc un accès privilégié aux dernières innovations matérielles du fabricant : Nvidia leur accorde non seulement un accès prioritaire aux dernières générations de processeurs graphiques comme les B200, mais collabore également au développement de solutions logicielles optimisées. « Leur relation va bien au-delà de la simple transaction commerciale. Nvidia leur fournit des couches de virtualisation avancées qui permettent d’exploiter pleinement le potentiel des GPU, un élément crucial pour rentabiliser des investissements aussi colossaux. » En Europe, cette dynamique se matérialise par le développement de fermes de calcul regroupant entre 20.000 et 50.000 GPU, concentrées entre les mains de quelques acteurs clés comme Fluidstack et CoreWeave. Cela permet aux Neoclouds de proposer des environnements de calcul optimisés, où chaque composant est conçu pour maximiser l’efficacité énergétique et les performances de calcul. “Les Neoclouds servent également de plateforme de test pour les nouvelles technologies, permettant à Nvidia de valider ses innovations dans des conditions réelles d’utilisation intensive. »
Un modèle économique à haut risque mais stratégique
Le modèle économique des Neoclouds présente des risques : « Certains de ces acteurs dépendent à plus de 50% d’un seul client majeur mais ils peuvent présenter aux investisseurs des contrats long terme avec des acteurs comme Microsoft ou OpenAI, ce qui rassure considérablement les marchés financiers. Il existe déjà les premiers signes d’une surcapacité sur les générations précédentes de GPU, ce qui pousse les Neoclouds à diversifier leur clientèle en ciblant désormais le marché B2B. » Cette évolution pourrait, à terme, démocratiser l’accès aux infrastructures de calcul intensif pour les entreprises de taille intermédiaire, aujourd’hui exclues du marché à cause de coûts prohibitifs des solutions hyperscale. « Quelle que soit l’issue, une chose est certaine : ces acteurs ont déjà modifié en profondeur les règles du jeu. Leur véritable défi sera maintenant de transformer cette disruption initiale en un modèle économique durable », conclut Nicolas Bugault.
Nicolas Bugault







