Contrairement aux secteurs du transport aérien et maritime, le transport terrestre de marchandises génère peu de données statistiques. Impossible à l’heure actuelle d’en avoir une vue générale. Or, ces circulations de camions ont un impact : sur les infrastructures, l’urbanisme, l’environnement. La chaire de recherche Internet Physique de l’École des Mines s’interroge : comment réduire l’empreinte carbone de l’acheminement de marchandises ? Elle s’associe au projet Flux Logistiques d’Orange, qui, souhaite apporter à cette question une réponse. Celle-ci se trouve dans la rationalisation des flux logistiques.
Un contexte contraint
Ce projet de recherche associe les équipes Innovation et les équipes B2B d’Orange. Il s’appuie notamment sur l’expérience en data science des équipes de l’offre Flux Vision. Denis Renaud, en charge de la recherche amont autour de Flux Vision, explique : “Notre spécialité, c’est l’analyse statistique des flux de population à partir de données du réseau. Dans le cas de Flux Logistiques, nous observons la signalisation émise par les routeurs IoT embarqués pour déterminer les flux de camions en France. Ces résultats sont obtenus dans le respect du contexte RGPD très contraint. Pour Flux Vision, nous avons développé un algorithme spécifique d’anonymisation agrégée, validé par la CNIL, que nous adaptons à Flux Logistiques.” Une thèse lancée dans le cadre du projet s’intéresse tout particulièrement à ces procédés d’anonymisation.
Vision globale en temps quasi réel
Flux Logistiques se base sur l’élaboration de modèles probabilistes, de clustering et de mesures de redressement. “Ce que nous collectons de notre côté, ce sont des événements de localisation : la trace laissée par un modem chaque fois qu’il se connecte au réseau pour échanger une information. Chaque antenne couvrant un vaste territoire, il n’est pas possible de connaître l’emplacement exact de la trace mais, même sur une durée limitée, on voit se dessiner l’axe routier emprunté, la vitesse du véhicule, la réalité de son déplacement, etc. Nous construisons des modèles probabilistes qui tiennent compte de cette incertitude, et nous affinons en comparant nos données à des données réelles, issues notamment des experts du domaine et de partenaires tels qu’un exploitant d’infrastructures autoroutières : comptage de péage, photos satellites… Ce qui nous intéresse, ce n’est pas chaque camion, mais la vue globale du trafic.”
Que faire de toutes ces statistiques ?
Se révèlent alors les principales routes logistiques, l’origine et la destination des véhicules entrant dans une zone donnée, la densité du trafic, etc. Comme l’explique Philippe Legay, Responsable du Programme de Recherche Entreprise 4.0 chez Orange et coordinateur du projet Flux Logistiques, “ces informations intéressent au premier chef les acteurs de la logistique et les collectivités locales. Agrégées dans un simulateur, elles peuvent donner des axes d’optimisation. Comment dimensionner l’infrastructure ? Quels effets attendre d’un changement de réglementation ? Où positionner un hub logistique et comment maximiser le chargement des camions ? Notre objectif est de fabriquer un outil d’analyse le plus précis possible, afin qu’il suscite le plus grand nombre d’utilisations concrètes.” Tous ces bénéfices sont déjà pressentis par la région Île-de-France, partenaire du projet.
Vers un observatoire européen ?
L’utilité de Flux Logistiques pour l’urbanisme, la logistique, la diminution de l’impact environnemental croîtra au rythme de l’équipement IoT des flottes de camions. “Nous souhaitons tisser davantage de partenariats avec des professionnels du secteur, en particulier des transporteurs capables de nous amener des cas d’usage et de la donnée. La connaissance du domaine de la logistique terrestre est un terrain à défricher, mais une solution comme Flux Logistiques vient combler le manque de statistiques. Pour Orange, c’est une opportunité de valoriser les données qui transitent sur le réseau.” Démarré il y a deux ans en France, le projet doit connaître un nouveau développement avec Orange Espagne. L’équipe a aussi répondu à deux appels d’offres européens, avec l’ambition de faire grandir cet observatoire et d’étendre son impact positif.
