Au-delà de la connexion des plus de 4 milliards d’internautes à travers le monde, le réseau de câbles sous-marins assure environ 8 000 milliards d’euros de transactions quotidiennes.
Évolution technologique du câble sous-marin
L’histoire des câbles de télécommunications sous-marins commence au milieu du xixe siècle. Le premier câble télégraphique transatlantique est posé en 1858 entre Valentia (Irlande) et Trinity Bay (Terre-Neuve), et bien qu’il n’ait fonctionné que vingt jours, il représente un exploit important. À cette même époque en France, le ministère des Postes et Télécommunications crée une branche « Câbles sous-marins » qui deviendra, en 1999, Orange Marine, une filiale à 100 % du Groupe Orange.
Historiquement, l’amélioration technologique des câbles sous-marins se fait sur les câbles eux-mêmes. Les câbles à paires de cuivre utilisés pendant près d’un siècle sont remplacés par des câbles coaxiaux à partir de 1956, année de la pose du premier câble téléphonique transatlantique (TAT-1). Ces derniers permettent d’avoir plusieurs circuits téléphoniques simultanés, mais seront supplantés à leur tour par les câbles en fibre optique à partir de 1988 (pose du TAT-8).
« Depuis les années 1990, l’évolution technologique a lieu au niveau des équipements terminaux, explique Carine Romanetti, Head of Networks Strategy & Submarine Systems chez Orange. L’apparition des technologies optiques, en particulier les technologies du laser, de l’amplification optique et du multiplexage en longueurs d’onde, a permis une augmentation spectaculaire de la capacité d’un câble sous-marin : de quelques centaines de mégabits par seconde à la fin des années 1980 à plus de 20 térabits par seconde aujourd’hui. » Grâce à cette évolution technologique phénoménale, 99 % du trafic Internet intercontinental transite par les centaines de milliers de kilomètres de câbles en fibre optique sous-marins.
Défis de la pose et de la réparation
Orange est l’un des leaders du secteur avec, à son compteur, une participation dans 450 000 km de câbles à travers le monde. « Les équipes en charge de la stratégie d’investissement, du pilotage, du déploiement et de l’exploitation des câbles sous-marins peuvent réaliser un investissement soit en propre, soit dans le cadre d’un consortium où plusieurs acteurs co-investissent », souligne Carine Romanetti. Le secteur vit aujourd’hui une évolution majeure avec l’entrée des GAFAM, et en particulier Google, Facebook, Amazon et Microsoft, sur le terrain. Ces acteurs, à l’origine de 70 % de l’augmentation du trafic mondial d’après Cisco, jouent en effet un rôle de plus en plus important en investissant massivement dans le déploiement de leurs propres infrastructures afin d’interconnecter leurs data centers.
Orange Marine, filiale d’Orange, qui a déjà déposé plus de 180 000 km de câbles en fibre optique au fond des océans, se charge de la pose et de la maintenance des câbles grâce à une flotte câblière, composée de six navires, qui représente 15 % de la flotte mondiale et qui est l’une des plus expérimentées au monde.
La pose d’un câble se déroule en plusieurs étapes et prend en général quelques mois. Il faut tout d’abord obtenir les autorisations des pays concernés afin d’effectuer une reconnaissance des fonds marins permettant de réaliser des cartes détaillées de la zone de pose. Le câble et les répéteurs, qui sont disposés tous les 50 à 100 km afin de retraiter et réémettre le signal qui se dégrade après une certaine distance, sont ensuite chargés à bord d’un navire câblier. Après avoir raccordé le câble à la station terrestre du pays de départ, celui-ci le dépose sur le sol marin jusqu’au pays d’arrivée. Dans les zones où le câble est susceptible d’être endommagé par l’activité humaine, une charrue creuse un sillon et y enterre le câble. Cette opération, appelée ensouillage, lui assure une certaine protection contre les ancres et chaluts. Une fois la traversée du navire terminée, le câble est raccordé à la station terminale télécom, bâtiment technique du réseau du pays d’arrivée, et la connexion entre le réseau domestique et le réseau international est réalisée.
Bien que protégés par une gaine résistante et ensouillés dans les zones les plus sensibles, les câbles peuvent être endommagés. Les causes de dysfonctionnement sont multiples : séismes, glissements de terrain, ancres, filets de pêche,… Lorsqu’un défaut est repéré, il est crucial d’y remédier au plus vite, car c’est la connectivité internationale d’un ou plusieurs pays qui peut se trouver affectée. Une réparation peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines en fonction de la disponibilité d’un navire de maintenance et du temps de transit pour arriver sur la zone de réparation. De plus, son coût est très élevé, et peut atteindre le million d’euros dans les pires scénarios. Par ailleurs, lorsqu’un câble est détérioré et que la connexion ne peut pas être redirigée sur une autre route, des millions de personnes sont privées de connexion Internet.
« Pour éviter ce scénario, les routes sont doublées ou triplées, c’est ce qu’on appelle la sécurisation du trafic, explique Carine Romanetti. Orange mène actuellement un projet pour améliorer la sécurisation de la Guyane, dont 85 % à 90 % du trafic est à destination des États-Unis, et qui est principalement desservie par le câble AMERICAS-II, avec une sécurisation partielle par un lien passant par le Suriname. Le nouveau câble Kanawa, en cours de pose, fait 1 700 km de long, possède deux paires de fibres optiques, et a une capacité maximale de 10 térabits par seconde par paire de fibres. Sa mise en service est prévue pour début 2019. »
Un réseau mondial vital
Au-delà de l’interconnexion des plus de 4 milliards d’internautes à travers le monde, le réseau sous-marin assure aussi environ 8 000 milliards d’euros de transactions quotidiennes. On comprend donc aisément son aspect géopolitique et pourquoi il est parfois la cible d’actes de piraterie. À noter que la législation qui régit le partage des fonds marins entre les différents acteurs et pays est écrite par les Nations unies.
« Le réseau de câbles sous-marins joue également un rôle clé dans le désenclavement numérique de l’Afrique, ajoute Carine Romanetti. Orange fut notamment à l’initiative du câble Africa Coast to Europe (ACE) reliant, depuis 2012, l’Europe à la côte ouest de l’Afrique, et continue de contribuer activement au développement du câble ACE avec la mise en service du dernier segment jusqu’à Cape Town en Afrique du Sud prévue pour mi-2019. Pour améliorer la sécurisation de ses filiales et accompagner la forte croissance du trafic sur cette route, Orange poursuit ses investissements stratégiques dans la zone et a conclu un partenariat avec MainOne, qui prévoit l’acquisition de capacité et la construction de deux nouvelles branches vers Dakar (Sénégal) et Abidjan (Côte d’Ivoire) d’ici mi-2019, sur le câble de plus de 7 000 km de long qui relie le Portugal au Nigéria. »
Les câbles sous-marins, avec leur positionnement stratégique au fond des océans, pourraient bientôt avoir de nouveaux usages. L’Union internationale des télécommunications coordonne en effet, avec une centaine de partenaires, une initiative qui vise à mettre en place des capteurs sur les câbles sous-marins afin de mesurer, en temps réel, les facteurs du changement climatique liés à la circulation des océans. Giuseppe Marra, du National Physical Laboratory au Royaume-Uni, propose, quant à lui, de les utiliser comme sismographes, ce qui pourrait notamment contribuer à améliorer la détection des tsunamis.
D’autres utilités seront sans doute découvertes dans les années à venir, car il est certain qu’avec une progression du trafic de données de 35 % par an, les câbles sous-marins demeureront des réseaux de communication essentiels.