Résumé
Introduit il y a près de 30 ans, le concept de monnaie électronique est longtemps resté cloisonné au monde de la recherche avant de gagner subitement en notoriété grâce au Bitcoin, lancé en 2009. Derrière cette monnaie électronique, se trouve un registre public, la blockchain, dont le caractère décentralisé a depuis suscité un grand intérêt, bien au-delà du seul secteur financier. Plus précisément, le remplacement des tiers de confiance par une communauté de « mineurs » en charge de ce registre est souvent vu comme le moyen de redonner de la confiance aux utilisateurs, tout en contournant les acteurs traditionnels qui font parfois preuve de rigidité.
A titre d’exemples, on peut noter le système Namecoin qui propose un service de DNS décentralisé, ou Ethereum dont la blockchain n’est pas limitée aux seules transactions financières et peut ainsi stocker une très grande variété de smart contracts.
Cependant, aussi révolutionnaire que soit cette technologie, il convient, avant de l’adopter, d’être conscient de ses limites, telles que son coût, sa sécurité, sa latence, sa taille, etc. Afin d’améliorer ces systèmes, Orange multiplie les initiatives autour de deux axes principaux : l’amélioration de la technologie de base et l’adaptation de la blockchain aux besoins en sécurité des services de télécommunications.
Article complet
Introduit en 2009, le système de monnaie électronique Bitcoin a depuis rencontré un grand succès, entrainant la création de nouveaux systèmes de monnaie électronique et de nouveaux usages. Tous ces systèmes reposent sur un registre central : la blockchain.
Blockchain et applications. Introduite il y a près de 30 ans, la monnaie électronique vise à reproduire, de manière numérique, le fonctionnement de la monnaie traditionnelle. Cependant, celle-ci souffre d’un problème inhérent à toute donnée électronique : elle peut être dupliquée. Une autorité centrale doit donc maintenir un registre regroupant l’ensemble des transactions, afin de détecter les doubles dépenses. L’objectif du créateur de Bitcoin était de se passer d’une telle autorité et de créer une monnaie gérée par une communauté toute entière. Pour cela, le registre des transactions valides, appelé blockchain, est rendu public, afin de permettre à tous de repérer une double-dépense. De façon plus précise, lorsqu’un utilisateur souhaite dépenser n bitcoins, il va présenter une (ou plusieurs) transaction(s) passée(s) déjà inscrite(s) dans le registre, justifiant qu’il a effectivement reçu un nombre x de bitcoins supérieur à n, et va produire une signature électronique de la nouvelle transaction intégrant en plus l’identifiant du bénéficiaire de celle-ci. Si l’argent n’a pas déjà été dépensé (ce qui peut être publiquement contrôlé via le registre) et si la signature est acceptée, alors la transaction est considérée comme valide. Il reste cependant à résoudre le problème de l’archivage de cette nouvelle transaction dans le registre : si tout le monde peut modifier la chaîne, la fraude devient à nouveau possible. Une solution consisterait à confier la gestion de ce registre à un tiers, mais celui-ci deviendrait de facto une autorité centrale, ce qui n’est pas l’objectif initial.
La solution astucieuse de Bitcoin consiste à confier le maintien de la blockchain à des volontaires, appelés « miners ». Pour pouvoir rajouter une transaction au registre, ces mineurs doivent résoudre un problème cryptographique, moyennant rétribution. Celui-ci doit être suffisamment difficile pour garantir la sécurité du mécanisme, et suffisamment facile pour que des solutions puissent être trouvées en un temps raisonnable et mesurable (permettant ainsi de mettre à jour le registre). Si plusieurs versions de la blockchain existent, c’est la chaîne la plus longue (ayant nécessité le plus de puissance de calcul) qui est considérée comme valide. Une personne malhonnête souhaitant créer une nouvelle version de la blockchain doit donc disposer d’une puissance de calcul supérieure à celle des mineurs honnêtes.
Cette technologie innovante a favorisé la création de nouvelles applications, parmi lesquelles :
- le système Namecoin, qui vise à agir comme un DNS décentralisé où tout le monde peut déposer un nom de domaine ;
- le projet Ethereum qui vise à fournir une blockchain très flexible capable d’archiver n’importe quel type de smart contract.
Limitations. La « révolution » Bitcoin, bien qu’offrant de nouvelles opportunités intéressantes, souffre cependant de problèmes intrinsèques dont il faut tenir compte :
- le coût annuel de fonctionnement est estimé à 800 millions de $ pour un montant total de 3200 millions de $ de bitcoins en circulation. Il faut en effet souligner le fait que les mineurs doivent consacrer une immense puissance de calcul à résoudre un problème qui a pour seul objectif de désigner le « gagnant ». Un mineur non rétribué n’aura aucun intérêt à garantir le bon fonctionnement de celle-ci : c’est le fondement du système ;
- la sécurité de la blockchain dépend directement de la puissance de calcul dédiée à son maintien. En effet, selon un résultat récent, une entité disposant de 33 % de cette puissance peut prendre le contrôle de la blockchain. Pour qu’un système atteigne un niveau de sécurité satisfaisant, il doit donc être suffisamment coûteux à maintenir, ce qui peut paraître limitatif ;
- le regroupement des mineurs en pools qui contrôlent l’essentiel de la blockchain (afin d’optimiser leurs gains) semble ironique pour un système à la base totalement distribué. Ethereum a identifié ce problème mais la solution proposée n’a pas encore été réellement testée ;
- la taille de la blockchain augmente à chaque transaction et dans le cas d’Ethereum, qui stocke des contrats potentiellement complexes, on est en droit de se demander si la durée de vie n’est pas forcément limitée dans le temps ;
- la durée de validation d’une transaction n’est pas suffisamment rapide pour permettre un usage dans le cadre d’un paiement NFC. Il faut en effet actuellement compter un minimum de 10 minutes avant de voir une transaction validée et rentrée dans la blockchain par un mineur.
Conclusion. Les limitations actuelles de la blockchain (voir ci-dessus mais aussi l’onglet en savoir plus) montrent que le déploiement d’un service basé sur une telle technologie n’est aujourd’hui envisageable qu’après avoir pris en compte ces différentes questions et étudié leur impact sur le service imaginé. En parallèle, la recherche dans ce domaine s’intensifie et les initiatives à Orange sont diverses, tournant autour de deux axes principaux : l’amélioration de la technologie de base et l’adaptation de la blockchain aux besoins en sécurité des services de télécommunications. Il est au final difficile de prédire le nombre de systèmes qui seront effectivement basés sur la blockchain dans un avenir proche, mais il est certain que de nouvelles évolutions technologiques de la blockchain vont prochainement arriver.