• Si les robots excellent et ont des performances supérieures aux animaux dans leurs sous-systèmes, à savoir la puissance, le cadre, l’actionnement, la détection et le contrôle, les animaux bénéficient d’une meilleure intégration de l’ensemble de ces sous-systèmes et ont des compétences globales supérieures.
• Les animaux restent d’ailleurs plus performants dans différents sous-systèmes : leur intelligence (supérieure à l’IA) et leur capacité à stocker de l’énergie et à la régénérer.
Les roboticiens sont fascinés par les pieuvres : elles peuvent manipuler des objets, se tordent dans tous les sens et sont capables de glisser où elles veulent. « On est encore loin d’avoir des performances proches des pieuvres en robotique ; pour l’heure, on se rapproche davantage de ce que les abeilles sont capables de faire », explique Samuel A. Burden, professeur associé à l’Université de Washington (Seattle). Le chercheur a contribué à un article scientifique paru dans Science Robotics intitulé « Why Animals can outrun robots », ou Pourquoi les animaux peuvent surpasser les robots à la course. Alors que comparer les performances des robots et des animaux peut sembler loufoque, il explique que « la biologie est la seule technologie à laquelle nous avons accès : elle offre des preuves de concepts dans le fonctionnement des organismes vivants, des tissus, des écosystèmes ». Marc Raibert, le président et fondateur de la société Boston Dynamics qui développe des robots quadrupèdes, est d’ailleurs un des premiers contributeurs à la robotique inspirée de la technologie. La robotique s’est toujours inspirée du fonctionnement des êtres vivants, dans le fantasme, un jour, de surpasser des compétences biologiques.
Les composants biologiques des animaux – c’est-à-dire les sous-ensembles qui composent un animal – sont bien moins performantes face à des pièces mécaniques et/ou électroniques équivalentes
Cinq sous-systèmes distincts
« Aujourd’hui il n’y a plus de raison de penser que les robots ne peuvent pas dépasser les compétences physiques des animaux », précise Samuel A. Burden. « Les muscles des animaux sont merveilleux mais, pour la plupart des sous-systèmes qui composent un robot, la robotique est plus performante. » Selon les critères de mesure utilisés par l’équipe de recherche, ils ont conclu que les composants biologiques des animaux — c’est-à-dire les sous-ensembles qui composent un animal comme le cerveau, les capteurs sensoriels ou encore la vue — sont bien moins performants face à des pièces mécaniques et/ou électroniques équivalentes. Pour ce faire, ils ont évalué les cinq « sous-systèmes » nécessaires au fonctionnement d’un robot, à savoir la puissance, le cadre (squelette), l’actionnement, la détection et le contrôle, et les ont comparés à leurs équivalents biologiques. « Cependant, l’intégration de ces sous-systèmes chez les animaux est plus optimale », précise le chercheur. Par exemple, les animaux utilisent leurs muscles pour exercer des mouvements : si certains moteurs sont bien plus puissants que les muscles, leur couple reste limité sans l’utilisation de mécanismes de transmission. Les actionneurs piézoélectriques offrent quant à eux un contrôle fin à petite échelle, mais ne sont pas adaptés à la locomotion. Il est donc difficile pour les robots d’atteindre le même niveau de mouvement dynamique que les animaux.
Les robots ont besoin d’être perfectionnés pour améliorer la coordination de leurs sous-systèmes, tandis que les animaux excellent dans l’intégration et le contrôle de leurs différents attributs. Les chercheurs notent avec espoir que l’évolution de la robotique ne fait que débuter, comparée aux millions d’années de développement dont bénéficient les animaux. La discipline, contrairement à la biologie, permet de plus d’intégrer l’évolution de certains robots ou sous-parties de robot et de la transférer sur d’autres.
Des animaux plus endurants et plus intelligents
En revanche, il faudrait, par exemple, des milliers de capteurs de pression ou de température sur un robot pour égaler la finesse et reproduire le ressenti d’un animal. Il en est de même pour évaluer la rotation des membres avec une précision au millimètre près. « La robotique molle offre des possibilités nouvelles, ne serait-ce parce que le nombre de positions du corps d’un robot peut exploser de manière infinie. »
L’article de recherche indique par ailleurs que, dans l’analyse des sous-systèmes, seuls le stockage d’énergie et le cerveau des animaux sont plus performants que l’équivalent en robotique. « Un cafard a plus de neurones que la plus grosse puce IA qui existe actuellement et les puces produites aujourd’hui n’ont pas de réels neurones. » Quant à l’énergie stockée, et donc l’endurance biologique et les batteries, les chercheurs estiment que des robots intégreront un jour des minicentrales électriques portables leur permettant de gagner en autonomie. Les travaux interdisciplinaires entre biologistes, physiciens et ingénieurs pourraient à l’avenir repousser les frontières du possible en robotique. Enfin, alors que le secteur doit actuellement se contenter d’un design contraint, l’intégration de nouveaux matériaux autorisera la transformation de la forme des robots.
Image : le robot Spot ; Jonte, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Sources :
Movement mechanics. Why animals still outrun robots (en anglais)