• Grâce aux électrons libres présents dans le sol, le dispositif de la start-up peut fournir 0,2 watt par mètre carré et incarne une alternative durable et pertinente pour les acteurs de l’AgTech.
• L’impact sur le sol, explique le chercheur, est quasiment inexistant, puisque les plantes et les bactéries lui permettent de se reconstituer continuellement.
Comment est-il possible d’alimenter une batterie à partir de l’énergie du sol ?
Jakub Dziegielowski : Notre dispositif utilise une pile à combustible qui exploite les électrons présents dans le sol pour générer de l’électricité. Dans le sol, il y a toute une économie circulaire où les nutriments sont constamment réapprovisionnés par les plantes qui sécrètent des substances organiques, ou par les engrais qui fournissent de l’énergie à la terre. Il y a donc des matières organiques que les microbes convertissent en électrons libres. Nous avons donc conçu un dispositif qui capture ces électrons libres sur une électrode et, avec une autre, nous créons un environnement électrochimique approprié pour les conduire à circuler à travers un fil et ainsi pouvoir recharger une batterie. Nous avons un prototype que nous allons adapter pour des applications terrain et pour le tester.
Nous avons prouvé que nous pouvons générer de l’énergie de manière durable pendant quatre ans. On peut fournir 0,2 watt par mètre carré.
Ce dispositif ne risque-t-il pas de détériorer le sol ?
Nos dispositifs sont petits et ont un impact minime sur l’écosystème, et les analyses du sol nous ont permis de voir qu’ils avaient plus d’effets positifs que négatifs. En termes de qualité du sol, nous n’avons pas constaté d’appauvrissement car les plantes et les bactéries se reconstituent continuellement. Le sol est un milieu complexe, capable de se maintenir et de rester stable. L’entreprise, qui est un spin-off [start-up issue d’un projet de recherche] de l’Université de Bath, a été officiellement lancée le 1er juin 2024. Nous sommes donc en train de breveter notre technologie.
Vous expliquez qu’il répond à des besoins dans le secteur agricole…
L’an dernier, mon doctorat a été sponsorisé par le programme ICURe [Innovation-to-Commercialisation of University Research] du gouvernement britannique pour l’accélération de l’innovation. J’ai pu ainsi parcourir le monde et comprendre les différents domaines d’activité et j’en ai déduit que l’ est un secteur où ce type de technologie peut être très utile, au regard des retours positifs que j’ai reçus au Canada, aux États-Unis ou en Europe. Les agriculteurs utilisent de plus en plus les objets connectés pour comprendre leurs terrains, leurs ressources et prendre de meilleures décisions. Mais le déploiement de l’IoT est coûteux, notamment en raison de l’alimentation des dispositifs sur des exploitations reculées ou de vastes exploitations. Les panneaux solaires, qui peuvent entraver le travail sur une exploitation, ne sont pas toujours la meilleure solution. Outre l’AgTech, notre technologie intéresse également des acteurs dans la surveillance environnementale et dans le secteur de la défense.
Entre vos premières expérimentations en 2019 et aujourd’hui, comment avez-vous amélioré la performance ?
En 2019, nous sommes partis au nord-est du Brésil, dans une région très pauvre où l’accès à l’eau potable et à une énergie stable est compliqué. Nous souhaitons tester un prototype dans l’objectif de développer un système de purification d’eau en utilisant l’énergie du sol comme source d’énergie. À l’époque, nous avions besoin de 64 dispositifs pour traiter 3 litres d’eau par jour. Désormais, on peut atteindre 30 litres d’eau par jour avec seulement 16 dispositifs. La durée de vie théorique de notre dispositif est de 25 ans, ce qui correspond à la durée avant la dégradation des matériaux. Pour l’heure nous avons prouvé que nous pouvons générer de l’énergie de manière durable pendant quatre ans. De toute évidence, la taille des dispositifs peut être ajustée en fonction des besoins énergétiques. Actuellement on peut fournir 0,2 watt par mètre carré.
Sources :
Towards effective energy harvesting from stacks of soil microbial fuel cells (en anglais)
En savoir plus :
Bath Uni scientists harness soil to generate green energy (en anglais)
L’agtech ou « agritech » est une contraction des mots agriculture et technologie. Il s’agit d’un secteur d’activité où sont conçus des outils technologiques et numériques pour améliorer le quotidien des agriculteurs, qu’il s’agisse de drones, de systèmes météorologiques, d’objets connectés ou de logiciels… Un objectif est d’aider les professionnels à améliorer leur rentabilité et le rendement de leurs exploitations.