• Une étude récente sur les défis et opportunités pour renforcer leur présence enrichit la connaissance de l’écosystème du solaire.
• Orange, partenaire de l’étude, réaffirme ainsi ses engagements pour l’inclusion, l’égalité des genres et l’entreprenariat féminin en Afrique.
Le choix d’étudier le secteur du solaire au Sénégal s’explique par le potentiel encore inexploité de cette ressource sur le continent africain, doté sans conteste d’un des plus forts taux d’ensoleillement au monde. Ainsi avec 60% des ressources solaires mondiales, l’exploitation de ce potentiel est d’environ 1% seulement en Afrique.
Il serait judicieux de pousser des programmes de mentorat par des femmes, en particulier des femmes leaders
La transition vers une économie sobre en carbone est un enjeu crucial pour le Sénégal, qui aspire à devenir un leader régional en matière d’énergies renouvelables. Avec un objectif ambitieux d’atteindre 40% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030, le pays se positionne comme un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, la participation des femmes dans ce secteur reste limitée, entravée notamment par des obstacles socio-culturels et économiques. Une étude terrain a été menée sur le dernier trimestre 2024 auprès de femmes et de professionnels institutionnels du secteur solaire pour identifier les défis, les enjeux et les opportunités pour renforcer la présence féminine dans les emplois liés aux énergies renouvelables.
Malgré les nombreuses initiatives favorables à l’égalité des genres menées au Sénégal depuis plusieurs décennies, les femmes rencontrent des difficultés significatives pour accéder aux formations et aux emplois dans le secteur des énergies renouvelables. Pourtant, augmenter leur présence dans ce secteur d’avenir est un véritable enjeu de société. Formées à ces technologies, elles deviendront des professionnelles du secteur mais également des utilisatrices de ces nouvelles énergies en développant des activités génératrices de revenus, et promouvront ainsi le développement socio-économique de leur pays.
Freins structurels au développement du solaire au Sénégal
L’étude a tout d’abord mis en évidence un ensemble de problèmes structurels liés au secteur des énergies renouvelables au Sénégal. Les entreprises du solaire rencontrent ainsi des difficultés à se développer au Sénégal en raison d’une demande stagnante notamment liée à des problèmes de coût des matériaux, au manque de confiance des clients dus à des problèmes de fiabilité des installations. Le secteur souffre également d’un manque de professionnels qualifiés pour l’installation mais surtout pour la maintenance des systèmes solaires.
Les entreprises locales sont, par ailleurs, rarement sélectionnées lors des appels d’offres nationaux et interviennent le plus souvent en sous-traitance de grands groupes étrangers, ce qui, là encore, limite leur développement et de ce fait, les recrutements.
Le Sénégal propose de plus assez peu de politiques gouvernementales incitatives en matière d’énergies renouvelables, ce qui freine le développement du secteur. Enfin, les banques sont réticentes à investir dans des projets d’énergie renouvelable en raison de la perception de risque élevé et du manque de garanties.
Pour toutes ces raisons, le secteur des énergies renouvelables au Sénégal n’atteint pas le potentiel attendu, rendant difficile l’insertion des jeunes dans leur globalité et donc, des jeunes femmes.
Les obstacles à lever pour une meilleure insertion des femmes dans le secteur
Pour accéder au secteur du solaire, les femmes sénégalaises doivent relever des défis à trois moments clés de leur parcours. Mais avant cela, il est important de rappeler que les stéréotypes de genre sont encore profondément ancrés dans la société sénégalaise et limitent les choix et les possibilités d’études et de carrière pour les femmes. Les pressions familiales entravent notamment l’accès à l’éducation, puis plus tard à l’emploi en leur faisant porter la responsabilité quasi-exclusive des tâches domestiques et familiales au sein du foyer, et ceci malgré les cadres juridiques mis en place dans le pays pour promouvoir l’égalité des genres.
Tout d’abord, dès l’école, les jeunes filles rencontrent des difficultés à identifier les formations existantes mais aussi plus généralement à s’orienter dès le lycée vers des formations techniques et scientifiques jugées masculines et dont elles s’autoexcluent. L’absence de modèles féminins dans ces filières et dans ces métiers fait que ces jeunes filles ont du mal à se projeter. Il serait ainsi judicieux de pousser des programmes de mentorat par des femmes, en particulier par des femmes leaders et inspirantes, ce qui permettrait de rendre acceptable par la société la féminisation de ces métiers techniques.
Le décalage important entre les compétences acquises durant les formations, compétences essentiellement théoriques, et les attentes des employeurs qui sont très orientées vers la pratique a par ailleurs été largement mentionné lors des entretiens, rendant l’insertion de ces jeunes filles particulièrement difficile. Ce point est renforcé par des pratiques socio-culturelles fortement ancrées au Sénégal qui expliquent par exemple que près de 30% des jeunes filles sont mariées avant 18 ans. Or, le mariage implique le plus souvent pour elles l’installation chez leur belle-famille et une implication forte dans les tâches domestiques du foyer qui les exclut de fait de tout autre engagement personnel à l’extérieur de ce foyer : « C’est un énorme point de blocage pour les femmes au Sénégal. Parce que, quand tu es mariée, tu vas chez la belle-famille, des fois, c’est une grande famille, tu es obligée de préparer les repas, de faire le ménage, de rester femme au foyer, d’aller pour les grandes fêtes, la tabaski, la korité, tout ça là, tu es obligée. » (Fatima N., en recherche d’emploi, 33 ans).
Enfin, le maintien dans l’emploi, spécifiquement dans le secteur des énergies renouvelables, peut être rendu difficile par les conditions de travail, sur les chantiers notamment. Du fait des déplacements, de la proximité avec les hommes et du poids des matériaux, ces emplois sont majoritairement catalogués comme réservés aux hommes.
Ces différents facteurs combinés créent un environnement où l’inclusion des femmes reste un défi, malgré ce qu’elles pourraient apporter à ce secteur à fort potentiel. Les entretiens ont montré que la collaboration homme femme sur les chantiers par une répartition des tâches adaptées aux capacités de chacun est bénéfique pour l’image de marque des entreprises. En effet, les femmes sont très attentives au soin apporté à la préparation des installations et à l’esthétique lors du câblage des équipements.
L’engagement des femmes dans le secteur des énergies renouvelables représente pourtant une opportunité non seulement pour leur émancipation, mais aussi pour le développement socio-économique du Sénégal.
Des efforts concertés du gouvernement, des entreprises et de la société civile sont nécessaires pour créer un environnement propice à leur épanouissement professionnel, garantissant ainsi que le potentiel des énergies renouvelables soit pleinement exploité au bénéfice de l’ensemble de la société.
L’étude a permis de proposer un ensemble de préconisations tant au niveau de l’enseignement, comme aller par exemple au plus près des jeunes femmes et proposer des formations itinérantes dans les zones rurales, que de la communication auprès des écoles pour favoriser la visibilité des formations proposées, ou encore au niveau des politiques sociales et familiales, en développant notamment des structures de garde d’enfants agréées par l’État à des tarifs accessibles.
Pour appuyer le développement de ces préconisations, il serait pertinent de confronter les données qualitatives recueillies dans cette étude à des données quantitatives fiables.
De même, le développement de nouveaux modèles économiques, axés à la fois sur l’inclusion et sur la durabilité (labellisation qualité des équipements, garantie des installations et maintenance), sera essentiel pour assurer la réussite de cette transition et maximiser les bénéfices pour l’ensemble de la société sénégalaise.
Méthodologie :
Pour cette étude qualitative, 35 entretiens semi-directifs en français, d’une durée moyenne de 45 minutes, ont été réalisés avec des femmes ayant suivi des formations dans le domaine des énergies renouvelables ou actuellement actives dans ce secteur d’activité (en poste ou en recherche d’emploi). Les entretiens ont été menés en face-à-face ou à distance via WhatsApp. Parallèlement à cette première série d’entretiens, 11 entretiens approfondis auprès d’institutionnels de l’écosystème ont été réalisés afin de recueillir des perspectives complémentaires sur le sujet. Pour exemple, nous avons rencontré des représentants de l’Office national de la parité, du Centre européen de formation en énergie renouvelable, de l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie, de l’Agence nationale pour les énergies renouvelables ou encore de l’entreprise Sud Solar System.
Contexte de l’étude
L’étude a été menée en partenariat avec la Faadev, une organisation non gouvernementale sénégalaise née d’une volonté sociale et féminine d’affirmer la femme comme levier de la pérennisation de l’essor économique et du développement durable en Afrique. L’étude a par ailleurs été financée par ODI Global, un groupe de réflexion anglais de premier plan.
En savoir plus :
Le rapport en français de l’étude : https://www.alignplatform.org/sites/default/files/2025-04/odi-strengthenwomensparticipation-senegal.pdf