• La demande croissante en capacité d’hébergement pour les traitements avancés d’IA pose des défis environnementaux majeurs, notamment en termes de consommation d’énergie et d’eau.
• Pour répondre à ces enjeux, les acteurs du secteur doivent développer des systèmes de stockage d’énergie et des réseaux intelligents, tout en optimisant les technologies de refroidissement.
L’essor de l’intelligence artificielle (IA) redéfinit le rôle des datacenters, en posant des défis environnementaux et énergétiques de taille : les interactions avec des IA comme ChatGPT consomment jusqu’à 10 fois plus d’électricité qu’une recherche Google, selon l’Agence internationale de l’énergie. Guillaume Gérard, consultant datacenter et Green IT chez Orange, souligne que « le déploiement de l’intelligence artificielle à grande échelle nécessite une capacité de traitement phénoménale, et les équipements IT requis pour l’assurer vont nécessiter une quantité d’énergie elle-même phénoménale ». Selon un rapport de McKinsey, le marché des datacenters dédiés à l’IA devrait croître de 20% par an jusqu’en 2030. Par ailleurs, la demande mondiale en capacité d’hébergement des centres de données pourrait augmenter à un taux annuel compris entre 19% et 22% de 2023 à 2030, atteignant à terme un besoin de 171 à 219 gigawatts (GW) pour l’IT. Environ 70% de ce besoin concernera des centres de données équipés pour héberger des traitements avancés d’IA d’ici 2030.
L’utilisation massive de l’IA peut donc induire une raréfaction des ressources tant au point de vue énergie que de l’eau
Une demande hors du commun
Ce niveau de demande rebat les cartes pour les acteurs de l’énergie. « Parmi les phénomènes qu’on a pu observer, certains fournisseurs d’énergie “verte” ont décidé de revendre l’énergie qu’ils produisaient vers un unique datacenter dédié à l’IA », note le spécialiste. « On a également observé que certains datacenters refroidis à l’eau avaient induit une pénurie d’eau dans leur environ. L’utilisation massive de l’IA peut donc induire une raréfaction des ressources tant au point de vue énergie que de l’eau. De ce fait, davantage que les obligations légales de reporting, il est envisageable que la pression populaire entrave la création de datacenters dédiés à l’IA. »
En 2023, ce scénario survient en Irlande, quand l’Autorité irlandaise de régulation de l’énergie (CRU) impose un moratoire sur la construction de nouveaux datacenters dans certaines régions. Cette mesure fait suite à la constatation que les datacenters représentent déjà 20% de la consommation énergétique du pays. L’intégration massive de l’IA dans ces infrastructures risque d’entraîner des pics de demande électrique imprévisibles, mettant à rude épreuve les réseaux électriques locaux. Dans les grandes économies comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne, les datacenters représentent environ 2 à 4% de la consommation totale d’électricité. Cependant, leur impact local peut être prononcé, dépassant les 10% de la consommation d’électricité dans au moins cinq États américains.
Mieux économiser et stocker l’énergie
La technologie nécessaire à l’IA utilise de plus en plus d’équipements ayant une densité de puissance élevée. « A date de parution, les équipements IA consomment jusqu’à quatre fois plus qu’un gros serveur, et sur une surface réduite. Les technologies de refroidissement nécessaires pour exploiter ce type d’équipement sont complexes, même les technologies courantes comme le refroidissement direct par circuit d’eau (D2C, direct-to-chip) et le refroidissement par immersion nécessitent des adaptations pour fonctionner de façon efficace », note Guillaume Gérard. Pour l’heure, les scientifiques recommandent de développer des systèmes de stockage d’énergie et des réseaux intelligents pour mieux gérer ces fluctuations. Un rapport d’Uptime Intelligence indique que l’augmentation de la demande pour les besoins de l’IA stimule l’innovation dans la distribution d’énergie, le refroidissement et la gestion des traitements informatiques. Les nouveaux datacenters devront fournir ou stocker de l’énergie, voire délester des charges pour soutenir les réseaux. Pour Guillaume Gérard : « A l’exception près des IA temps réel, l’impact des IA sur le réseau électrique peut être atténué, car il est possible d’effectuer leur entraînement quand le réseau électrique est moins sollicité. Du fait du dimensionnement des installations électriques primaires des datacenters, ces derniers pourraient être sollicités pour soutenir le réseau électrique en dehors des périodes d’entraînement des IA. »
Sources :
Five data center predictions for 2025 (en anglais)
