“Grâce au ciblage, le marché de la publicité TV pourrait engranger 200 millions € de chiffre d’affaires supplémentaire en 2022”
Les messages ciblés, atout majeur de la publicité en ligne depuis longtemps, étaient jusqu’à présent absents du marché de la télévision en direct. Sur les territoires où Orange est opérateur, les téléspectateurs voient le même spot au même moment. Le seul “ciblage” possible est effectué par l’annonceur et la régie publicitaire en fonction de l’émission et de l’heure de diffusion. Cependant, il ne permet pas d’adresser un spot en particulier à un téléspectateur suivant son profil ou sa localisation. Baptisée publicité “adressée” ou “segmentée”, une nouvelle technique développée par Orange permet de substituer en direct un spot par un autre dans un tunnel de publicité, en fonction de la géolocalisation et du profil socio-économique du client. Le marché pourrait engranger 200 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaire d’ici à 2022 grâce à cette nouvelle technologie, estime le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV).
Deux ans et demi de développement
Pour le téléspectateur, l’expérience est inchangée. Une fois recueilli son consentement pour des publicités adressées, les spots sont substitués sans aucune saute d’image ou de son. Techniquement, l’opération est très délicate et a nécessité deux ans et demi de travaux en collaboration étroite avec les chaînes de télévision. Pour pouvoir substituer un spot par un autre, il a fallu innover et ajouter dans les flux télé un marquage spécial extrêmement précis, à l’image près, indiquant le démarrage du tunnel de publicité, le démarrage du spot à substituer, la fin du spot et la fin du tunnel. Une toute nouvelle norme de marquage des flux a été mise en place en mettant tous les acteurs du secteur autour de la table. L’interopérabilité est ainsi garantie entre les différentes chaînes et les décodeurs TV des différents opérateurs.
“Dans la solution que nous avons mise en œuvre, la substitution du spot se fait au niveau du décodeur des abonnés à la TV d’Orange, détaille Gilbert Bonizec, responsable de projet technique. Au démarrage d’un tunnel de pub, le décodeur va interroger via une connexion unicast (transmission à destinataire unique) l’ad-server de la chaîne (le logiciel de gestion de campagnes publicitaires) : ‘j’ai un tunnel qui se présente, est-ce que j’ai des spots à substituer dans celui-ci ? si oui, lesquels ?’. L’ad-server répond en fonction des campagnes publicitaires en cours et de l’éligibilité du client. S’il y a un spot à adresser, le serveur de la régie publicitaire indiquera au décodeur : ‘il faut substituer le 3e spot du tunnel et ce spot a un identifiant donné’. Au moment où le message publicitaire à substituer arrive, il est détecté par le décodeur grâce au marquage et un switch est effectué au niveau du player entre le flux de la chaîne et le nouveau spot stocké en mémoire. Une fois le spot terminé, le player revient sur le flux multicast (transmission à destinataires multiples) de la chaîne.”
A la veille d’une campagne de publicité segmentée, la chaîne de télévision envoie à Orange les spots qui seront diffusés de manière ciblée. Ceux-ci sont stockés sur le Content Delivery Network (CDN) de l’opérateur et récupérés par le décodeur au début du tunnel de pub. Les publicités substituées sont de même longueur que les publicités d’origine, ce dont se porte garant le diffuseur.
Ciblage à l’aller, tracking au retour
Si le décodeur constitue la partie opérationnelle du système, c’est l’ad-server des régies publicitaires qui fait correspondre les données de ciblage du client avec les campagnes vendues aux annonceurs : c’est lui qui décide pour tel ou tel abonné quels spots vont être adressés. De son côté, Orange alimente toutes les semaines cet ad-server avec les données des clients qui ont expressément donné leur consentement pour cela.
Dans le cadre de cette première étape de déploiement, le ciblage publicitaire est effectué à partir des données de géolocalisation, des critères socio-démographiques (catégories socio-professionnelles, composition du foyer) et du niveau de consommation de la TV en direct du ménage (gros consommateur TV/consommateur TV modéré). Un ciblage plus fin est prévu dans une prochaine étape du projet.
Dernière interface entre Orange et la régie publicitaire : après la diffusion de la publicité adressée, le décodeur va envoyer des données de tracking sur la plateforme du partenaire. La chaîne et l’annonceur peuvent ainsi connaître le taux de complétion du message, à savoir si le spot a été vu à 25, 50, 75 ou 100%.
La rencontre de deux univers…
“Ce projet est l’interfaçage entre deux mondes qui vivaient jusque-là leur vie propre : le monde de la télé en direct et celui la publicité ciblée”, analyse Gilbert Bonizec. “Contrairement à d’autres projets télévisuels où Orange a la main de A à Z, pour la publicité adressée, le défi a été d’imbriquer finement nos solutions avec celles de nos partenaires.” Cette collaboration technique entre opérateurs et régies publicitaires permet d’envisager de nouvelles recettes pour la télévision numérique. “La publicité adressée combine potentiellement la puissance du média télé, sur lequel les campagnes restent bien mieux valorisées que sur le Web, et la précision de la pub numérique”, s’enthousiasme le SNPTV.
En France, le service est opérationnel depuis le 8 octobre auprès de 100.000 clients de la Fibre Orange. Pour la petite histoire, la première campagne de publicité segmentée en France, diffusée sur les antennes de France Télévisions, est une campagne… Orange ! Le Groupe a en effet acheté des spots à la régie de France Télévisions pour cette grande première. Désormais, le dispositif est appelé à monter en puissance au fil des semaines : il sera déployé auprès de 400.000 clients fibre fin octobre et auprès des abonnés ADSL en novembre. Outre France Télévisions, TF1 et M6 seront également partie prenante dans les prochains mois. Pour inaugurer le marché de la publicité adressée en France, il fallait aussi lever un obstacle législatif : ce type de publicité n’y est autorisé que depuis un décret publié le 6 août 2020.