La croissance de l’usage de l’IA et du chiffre d’affaires associé sont estimées par la plupart des observateurs [réf. 01] comme devant suivre une courbe exponentielle, à tout le moins à horizon 2030. Cette croissance est soutenue par un taux d’adoption de l’IA particulièrement rapide comparé à celui observé pour d’autres technologies, également récentes, dans laquelle c’est bien l’IA générative qui porte cette croissance des usages de l’IA [réf. 02].
Cette croissance nécessite l’équipement afférent en serveurs assurant mémoire, puissance et rapidité de calcul nécessaires [réf. 03] dont la fabrication, d’une part, implique de disposer des ressources naturelles (eau, métaux, etc.), et le fonctionnement, d’autre part, suppose de disposer de l’électricité nécessaire.
Les activités économiques qui auront le plus de chances de se maintenir dans la durée seront celles qui auront sécurisé leurs approvisionnements électriques
Électricité nécessaire au fonctionnement de l’IA
Évaluation à 2030
La croissance de l’électricité nécessaire pour opérer les centres de données correspondants suivra une courbe plus modérée que celle de l’usage, grâce à des gains énergétiques et d’architecture [réf. 04]. Toutefois, ces gains ne compenseront pas la croissance de l’électricité nécessaire pour suivre la demande.
Les États-Unis [réf. 05] ont estimé une projection des consommations des centres de données entre 2024 et 2028, selon deux scenarii (haut et bas), qui incluent d’une part la croissance de la puissance de stockage et calcul et d’autre part ces gains énergétiques :

Source : 2024 United States Data Center Energy Usage Report, Berkeley Lab dec. 2024
Entre 2010 et 2022, la production mondiale d’électricité a augmenté de 50%. Entre 2022 et 2040, elle devrait connaître une croissance de 100%, c’est-à-dire doubler puis augmenter encore de 25% entre 2040 et 2050 [réf. 06], ce qui correspond à une croissance linéaire de 2010 à 2050.
Une modélisation, certes fruste (approximation de la croissance de l’énergie nécessaire par une courbe de forme exponentielle) selon les données en 2024 et 2028 prémentionnées aux États-Unis, ramenées à l’échelle mondiale (les USA ont consommé 17,3% de l’électricité mondiale en 2023 [réf. 07]), de la consommation d’électricité par les data centers, en retenant un scenario moyen (MC) bâti comme moyenne des deux scenarii (haut et bas) extrapolé jusqu’en 2030, conduit à :


Cette extrapolation suppose que la part de consommation électrique des États-Unis par rapport au reste du monde reste stable sur la période, corrélativement que les gains d’efficacité énergétique progressent de manière équivalente dans et hors des États-Unis.
L’IA n’est pas discernée spécifiquement dans cette évaluation, toutefois la partie prépondérante (exponentielle) de cette croissance est liée à l’usage de l’IA générative [réf. 08] :

Source : Shift Project, oct. 2025
Selon cette modélisation estimative, en 2030 7,5% de la production mondiale d’électricité serait consommée par les centres de données.
Évaluation au-delà de 2030
L’usage des données pour une projection au-delà de 2030 est hasardeuse du fait de la rareté des données et des incertitudes fortes sur l’évolution, d’une part des autres ressources susceptibles de soutenir la croissance (métaux notamment), d’autre part de la croissance elle-même des besoins en calcul liée à l’IA.
Toutefois on peut noter qu’elle ferait, sans surprise, apparaître une divergence entre la croissance (linéaire) de la production d’électricité, et celle (exponentielle) des consommations des centres de données.

En particulier, toute l’électricité produite serait consommée pour les besoins des centres de données dès 2041.
Analyse
Conflits d’usage de l’électricité
L’électricité, facteur limitant de la croissance de l’IA
La croissance de l’IA, par les surplus de consommations électriques qu’elle nécessite, sera confrontée à son besoin en énergie comme facteur limitant.
Par là-même, elle va intensifier des conflits d’usage de l’électricité produite qui, sauf rupture technologique (fusion nucléaire contrôlée en particulier, en recherche depuis les années 1960), ne permettra très probablement pas de soutenir cette évolution.
Dès lors se posera la question de l’arbitrage de la ressource énergétique électrique et des conditions de sa disponibilité entre différents acteurs économiques.
Position des acteurs et recherche de nouvelles sources de production d’électricité
Les conditions de maintien d’une activité économique seront alors, outre la maitrise de ses processus de production propres, celle de l’accès à l’énergie électrique.
Cette analyse explicite les raisons pour lesquelles certains gros consommateurs en électricité cherchent dès à présent à sécuriser leurs approvisionnements électriques, en particulier :
- en privatisant à leur profit des centres de production (par ex. des tranches de centrales nucléaires classiques [réf. 09]) ;
- en déployant des moyens de production propres (solarisation) [réf. 10] ;
- en investissant ou nouant des partenariats dans des moyens de production ponctuels de puissance innovants comme les Small Modular Reactors (SMR) nucléaires, modulables et par là même bien adaptés pour suivre la croissance d’un centre de données [réf. 11].
De cette observation découle également que les activités économiques qui auront le plus de chances de se maintenir au mieux dans la durée sont celles qui auront sécurisé leurs approvisionnements électriques, soit par une maitrise directe de moyens propres de production électrique, soit par une capacité financière certaine en allant sur les marchés financiers de l’électricité.
Focus sur la France
Entre 2035 et 2045, de l’ordre de la moitié de la capacité de production d’électricité à partir du nucléaire ne sera plus disponible en France. En effet la plupart des centrales nucléaires, construites dans des années proches lors du Plan Messmer, sont sur des cours d’eau en stress hydrique, donc ne pourront pas être maintenues au-delà de 50 ans pour la plupart [réf. 12].
Sources :
01 – Globaldata, Generative AI market report, 2024
02 – Mckinsey Global Survey on AI, 1,363 participants at all levels of the organization, Feb 22-Mar 5, 2024
03 – WSTS World Semiconductors Trade Statistics (11-2023), Gartner, IBS and Tech Insights forecast (01-2024)
04 – IEA, Efficiency improvement of AI related computer chips, 2008-2023
05 – Berkeley Lab, 2024 United States Data Center Energy Usage Report, p.31
https://doi.org/10.71468/P1WC7Q
06 – Planete-énergies, 2023 https://www.planete-energies.com/fr/media/article/production-delectricite-ses-emissions-co2
07 – IEA https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2024/executive-summary?language=fr
08 – Shift Project, oct. 2025 https://theshiftproject.org/publications/intelligence-artificielle-centres-de-donnees-rapport-final/
11 – https://www.datacenterdynamics.com/en/analysis/nuclear-power-smr-us/
12 – RTE France fig. 4.2, p.7 https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-06/FE2050%20_Rapport%20complet_4.pdf







