● Imaginés à Cambridge, ces capteurs, inspirés des toiles d’araignées, minimisent les déchets et peuvent être produits à la demande, tout en étant robustes et fonctionnels pendant plusieurs heures.
● D’autres universités, comme à Chicago, travaillent sur des projets mêlant électronique et cellules vivantes pour traiter et suivre à distance des maladies de la peau comme le psoriasis.
Imprimer un capteur directement sur un doigt pour mesurer la fréquence cardiaque ou l’activité électrique des nerfs et des muscles (électromyogramme) ne relève presque plus de la science-fiction. C’est l’une des nombreuses promesses de la bioélectronique, à savoir des dispositifs électroniques qui interfèrent avec des systèmes biologiques. « Cela peut être le corps humain, comme les plantes, les animaux, etc. », explique Yan Yan Shery Huang, professeure en bio-ingénierie à l’Université de Cambridge. A l’avenir, ce type de dispositif permettra par exemple d’appréhender les signaux électriques dans les plantes et donc, à terme, d’améliorer les systèmes de production des plantes, en détectant notamment d’éventuelles maladies. Cela offre de nouvelles perspectives aux systèmes d’agriculture de précision.
Produire des capteurs plus écologiquement
La chercheuse a développé un système qui permet d’imprimer des capteurs sur la peau ou sur des plantes, en utilisant un fil aussi fin que de la soie. « Nous avons décidé de nous inspirer des toiles d’araignées pour diminuer l’empreinte écologique des capteurs. Beaucoup de capteurs, comme les tests Covid, sont en effet à usage unique et deviennent des déchets. » Les capteurs développés peuvent quant à eux être fabriqués à la demande, et n’utilisent pas plus que l’équivalent de quelques mèches de cheveux de matériau.
C’est un système assez robuste qui, s’il n’est pas altéré, peut fonctionner jusqu’à six heures. Sur les plantes, la durée de vie est plus longue.
Cette approche pourrait changer la manière dont les capteurs sont produits, puisqu’ils le seraient à la demande. Grâce à un système d’impression qui enroule un fil de soie en suivant un motif spécifique sur le doigt, il est possible de capter les du corps à travers les fils, qui transmettent ces signaux à un circuit périphérique pour l’analyse et l’affichage.
Des capteurs souples pour suivre l’état de la vessie
L’équipe de Cambridge n’est pas la seule à se pencher sur l’usage de la bioélectronique pour la santé. Des chercheurs de la Northwestern University ont conçu un implant souple, flexible et sans pile qui se fixe à la paroi de la vessie. Ce capteur se déforme en fonction de la dilatation de l’organe, ce qui permet de mesurer un niveau de tension. Il communique à un smartphone, via Bluetooth, des informations sur l’état de remplissage de la vessie. Cette innovation peut changer le quotidien de personnes atteintes de paralysie, de spina-bifida (endommagement de la colonne vertébrale), de cancer de la vessie ou de maladies vésicales.
Vers une bioélectronique vivante
Plus complexe, la plateforme ABLE [active biointegrated living electronics] conçue à l’Université de Chicago mise sur la « bioélectronique vivante » pour capter les signaux physiologiques et administrer des traitements ciblés. Ce dispositif est composé de circuits de capteurs minces et flexibles qui sont associés à un hydrogel ultra souple capable d’imiter les tissus, fabriqué à partir d’amidon de tapioca et de gélatine. Dans ce gel sont introduites des cellules vivantes, des staphylococcus epidermidis, une bactérie typique de la flore de la peau qui sécrète des composés qui régulent l’inflammation. L’intégration de ce type de cellules dans un système bioélectronique permet de créer de nouvelles interactions avec les systèmes biologiques et ainsi créer de nouvelles fonctions thérapeutiques, par exemple pour la surveillance et le traitement du psoriasis. Fonctionnant sans batterie et pour l’heure uniquement testé sur des souris, le circuit de ce dispositif permet de suivre sans fil en temps réel l’évolution de la maladie.
Visuel: Personne dotée d’un réseau de fibres bioélectroniques sur un doigt pour la captation du double signal ECG / Crédit : Wenyu Wang et Yuan Shui
Sources :
Wang, W., Pan, Y., Shui, Y. et al. Imperceptible augmentation of living systems with organic bioelectronic fibres. Nat Electron (2024). https://doi.org/10.1038/s41928-024-01174-4
Il s’agit des signaux électriques qui se produisent au sein d’un organisme vivant. Ils sont générés par une différence de charges entre l’intérieur et l'extérieur des cellules, provoquant ainsi une tension électrique appelée potentiel électrique.