● Le gouvernement indien investit largement dans des projets de recherche et de fabrication de semi-conducteurs pour répondre à la demande intérieure.
● À l’Indian Institute of Science de Bangalore, un chercheur innove dans les semi-conducteurs pour permettre aux puces dans les véhicules de gérer différents niveaux de tension.
Le 19 janvier, l’un des plus grands concepteurs européens de semi-conducteurs, le Néerlandais NXP, a inauguré un laboratoire de R&D en Inde, sur le parc technologique de Bangalore. Ce projet vise à concevoir des systèmes spécifiques pour le marché de l’automobile, de l’IoT et de l’électronique grand public, qu’il s’agisse de radars, de technologies NFC ou des puces dédiées à la gestion de l’énergie dans les voitures. C’est le résultat d’un effort du gouvernement indien pour faire de l’Inde, à travers son savoir-faire, un modèle international dans la microélectronique, puisque ce laboratoire devrait l’aider à accélérer, à terme, ses capacités de production. Pour l’Inde, qui connaît une explosion de son marché de l’automobile, ce sujet est stratégique : le pays entend devenir plus autonome et développer ses propres filières en microélectronique. « Nous concevons de nombreux appareils électroniques, mais nous restons dépendants des composants électroniques, comme les semi-conducteurs, produits à l’étranger », déplore Mayank Shrivastava. Après avoir travaillé aux États-Unis chez Infineon, et en Allemagne chez Intel, ce chercheur spécialisé en nanotechnologies est rentré en Inde, où il enseigne à l’Indian Institute of Science à Bangalore.
L’Inde importe plus de composants électroniques que de pétrole. Ce n’est qu’un début, car la 6G va faire exploser la demande, selon Mayank Shrivastava.
Des investissements colossaux
Si l’Inde est réputée pour concevoir des puces électroniques et compte près de 20.000 ingénieurs dans ce secteur, le pays ne dispose pas véritablement de sociétés capables de produire des semi-conducteurs. Sa part d’importation devrait d’ailleurs être multipliée par quatre dans les prochaines années. « L’Inde importe plus de composants électroniques que de pétrole. Ce n’est qu’un début, car la 6G va faire exploser la demande », alerte le chercheur. Parce que le marché est en pleine reconfiguration, le gouvernement indien aimerait voir doubler son marché des semi-conducteurs d’ici à 2026, pour atteindre 64 milliards de dollars, selon l’India Electronics and Semiconductor Association. Pour se faire une place face à la position dominante de Taïwan et de la Corée du Sud, l’Inde voit grand et subventionne jusqu’à 50 % des projets de construction de fonderies (usines) de semi-conducteurs et d’écrans. Des usines qui nécessitent généralement… plusieurs milliards de dollars d’investissement.
Gérer les différents niveaux de tension dans les véhicules
Dans le cadre d’un projet financé par le gouvernement, Mayank Shrivastava a développé, avec des industriels locaux, un semi-conducteur dédié à la gestion de l’énergie dans les puces électroniques pour réduire la dépendance économique de son pays et répondre à des enjeux techniques de taille pour le marché de l’automobile. Sa technologie vise également à prolonger la durée de vie des pièces électroniques. « Dans un véhicule, les microprocesseurs servent au traitement des informations, les capteurs, au traitement des signaux, et on trouve également des puces dédiées au traitement de l’énergie », précise-t-il. Déjà dépositaire de nombreux brevets dans le secteur, il explique avoir résolu un problème de taille auquel est confronté le marché. « À la différence d’un smartphone, une voiture a besoin de gérer des tensions très élevées », par exemple pour nourrir l’antenne qui communique avec le monde extérieur ou des capteurs qui vont transformer des signaux spécifiques. « Nous avons conçu une gamme de commutateurs électriques qui s’intègrent aux puces, des , qui répondent aux besoins des véhicules et qui pourront d’ailleurs être adoptés plus largement sur d’autres marchés, car ils peuvent gérer une amplitude de tensions différentes plus importante. » Tandis qu’un microprocesseur fonctionne, lui, avec une tension très faible, autour de 1V. Les Indiens espèrent ainsi que leurs fabricants partenaires pourront profiter de cette innovation pour, à leur tour, exporter leur savoir-faire.