En s’inspirant des biomécanismes de la raie manta, une équipe de chercheurs de la North Carolina State University a développé un robot mou, économe en énergie et capable de nager quatre fois plus vite que ses prédécesseurs. Pour cela, il n’utilise pas de moteur, mais des ailes bistables qui sont actionnées passivement par le mouvement du corps central. Cette innovation est issue d’un laboratoire spécialisé dans la robotique molle. Ce champ de recherche pour le moins original pourrait, dans les prochaines années, apporter nombre d’innovations de rupture dans la santé, l’industrie ou encore les jeux vidéo. C’est par exemple grâce à cette discipline que certaines marques de mode sont capables d’imprimer des chaussures en 3D.
La robotique molle entend répondre à des besoins historiques comme la manipulation d’objets fragiles, la capacité des robots à se déplacer dans des environnements sensibles comme le corps humain, voire à s’autoréparer en cas de « blessure ». En d’autres termes, l’intégration de nouveaux matériaux, comme la silicone, dans les robots, est sur le point d’ouvrir la voie à de nouvelles performances tant techniques qu’écologiques, puisque l’on est maintenant capable de construire des robots qui peuvent changer de forme, comme une matière vivante.
Réinventer la fabrication de matériaux
Pour Pablo Valdivia y Alvarado, chercheur à la Singapore University of Technology and Design et directeur du Laboratoire de robotique bio-inspirée et de design, cette discipline est une « robotique basée sur les matériaux ». Sa particularité est d’employer de nouveaux matériaux dans la fabrication des robots. Jusqu’à présent, la robotique avait évolué en fonction des innovations issues de la mécanique et de l’électronique. Désormais, l’objectif est de développer des mécanismes proches de ceux des organismes vivants et donc inspirés par le biomimétisme, par exemple chez les animaux invertébrés.
L’impact environnemental est important, puisque de nombreux chercheurs travaillent sur la possibilité d’imprimer des robots avec des matériaux organiques et biologiques qui ont des propriétés biodégradables.
Ces nouveaux robots pourraient d’ailleurs, à terme, remplacer les modèles traditionnels, car « ce que l’on peut faire en robotique traditionnelle peut se faire en robotique molle », explique le chercheur. Reste que, selon lui, l’adoption de ces nouveaux procédés prendra du temps : « Il n’existe pas de machines standardisées pour concevoir nos projets. Nous devons donc créer de nouveaux modes de fabrication. » Et les promesses sont vastes : cette discipline peut être combinée à l’ingénierie tissulaire et à la biologie de synthèse, par exemple pour concevoir des structures hybrides dotées de capacités de détection et de mobilité uniques. À l’image du robot nageur inspiré de la raie manta, on se rend compte que la complexité mécanique, et donc algorithmique de tels dispositifs, est facilement réduite. En amont, cette approche nécessite toutefois d’importantes ressources informatiques pour modéliser le comportement de ces machines hybrides.
Une discipline au service du développement durable
« En robotique molle, l’intégration d’électricité et d’électronique n’est pas obligatoire », explique Pablo Valdivia y Alvarado. La robotique molle demande des conceptions différentes dans la capacité d’actionnement des mécanismes, de détection de l’environnement, de conversion du mouvement, voire dans la manière dont les dispositifs s’alimentent en énergie. Ainsi, leur source d’énergie peut provenir de composants électroniques flexibles ou étirables, et l’utilisation de capteurs électrochimiques offre la possibilité à ces robots de s’alimenter grâce à leur environnement. « L’impact environnemental est important, puisque de nombreux chercheurs travaillent sur la possibilité d’imprimer des robots avec des matériaux organiques et biologiques qui ont des propriétés biodégradables. »
De l’expérimentation à la pratique
La robotique molle reste principalement expérimentale, car « les ingénieurs traditionnels n’ont pas encore la technologie et le savoir-faire pour appréhender les nouveaux matériaux et développer de nouvelles technologies de fabrication, indique le chercheur bolivien. Les seuls composants qui sont aujourd’hui adoptés sont les pinces pour la manipulation d’objets fragiles. Elles s’adaptent à différentes tailles d’objet et sont plus sécurisées dans les interfaces homme-machine ». Les futurs vêtements destinés aux expériences dans le métavers et permettant aux utilisateurs de ressentir des sensations proches du réel grâce à des retours haptiques, sont également étudiés. Il n’est donc pas étonnant que l’une des rares sociétés qui investissent dans la recherche en robotique molle soit Meta, la maison mère de Facebook.
Sources :
Autonomous self-healing optical sensors for damage intelligent soft-bodied systems
Softer is Harder: What Differentiates Soft Robotics from Hard Robotics?
Energy-Efficient Soft Robot Swims Faster than Previous Models
Bio-inspired soft robotics: Material selection, actuation, and design
Meta’s sci-fi haptic glove prototype lets you feel VR objects using air pockets
En savoir plus :
La revue Nature présente des projets de recherche en robotique molle Soft Robots.