“Des algorithmes de machine learning sont appliqués en modélisation moléculaire et permettent de développer de nouveaux traitements in silico.”
La robotique et l’imagerie numérique avaient favorisé le développement des techniques “mini-invasives”. La convergence du calcul intensif et de l’intelligence artificielle (IA) accélère maintenant la recherche médicale fondamentale et clinique, et favorise le développement d’une médecine personnalisée et prédictive. La blockchain, quant à elle, offre un cadre contribuant à répondre aux enjeux soulevés par l’explosion des données de santé en termes de sécurité, d’interopérabilité, de conformité réglementaire et de gestion du consentement des patients.
La chirurgie assistée par robot
Partie intégrante de la chirurgie assistée par ordinateur – cet ensemble d’outils informatiques destinés à aider le chirurgien dans la préparation et la réalisation d’une opération –, les robots ont fait leur entrée dans les blocs opératoires au début des années 2000.
Leur utilisation vise à améliorer la précision du geste chirurgical et, couplée avec l’imagerie numérique, a favorisé le développement de techniques dites “mini-invasives” permettant de limiter les traumatismes subis par les patients.
Certains de ces robots sont téléopérés, c’est-à-dire qu’ils effectuent les gestes chirurgicaux à l’aide de bras articulés et d’une panoplie d’outils, mais restent pilotés à distance par le chirurgien.
Le plus connu est le robot da Vinci, développé par la société américaine Intuitive, particulièrement utilisé lors des opérations de la prostate.
Da Vinci est composé de deux parties. La première, qui se situe au-dessus du patient, comporte quatre bras articulés, dont un qui tient une caméra endoscopique et les autres qui manipulent des instruments chirurgicaux. La deuxième partie comporte un siège dans lequel le chirurgien est installé, deux écrans qui retransmettent en direct les images en 3D, et deux manettes pour contrôler les instruments.
Il existe également des robots autonomes qui, une fois programmés, effectuent l’intervention seuls, comme le robot de radiochirurgie CyberKnife, commercialisé par la société Accuray, qui permet de traiter des tumeurs par l’administration d’un faisceau de rayons puissant et très précis.
Les supercalculateurs accélèrent la recherche médicale
En janvier 2020, l’IDRIS, centre du CNRS pour le calcul numérique intensif de très haute performance, annonçait l’acquisition du supercalculateur Jean Zay, l’un des plus puissants d’Europe. D’une puissance de calcul de 14 pétaflops (dix fois plus que l’ancien supercalculateur de l’IDRIS), Jean Zay est en partie dédié à l’IA, dont les applications couvrent la recherche médicale.
Des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) sont appliqués en modélisation moléculaire et permettent aujourd’hui de développer de nouveaux traitements “in silico” (c’est-à-dire à l’aide de simulations numériques).
Or, entraîner et “faire tourner” ces algorithmes requiert une importante puissance de calcul. Les supercalculateurs font converger calcul intensif et IA pour fournir aux chercheurs la puissance dont ils ont besoin pour simuler et analyser des phénomènes biologiques complexes.
Actuellement, la puissance de calcul de Jean Zay est mise à contribution pour étudier la structure moléculaire du Covid-19. Par exemple, l’équipe du laboratoire de chimie théorique de la Sorbonne s’intéresse à la protéine Spike, qui permet au virus d’interagir avec les cellules humaines.
“À défaut de détruire le pathogène, désamorcer cette protéine empêcherait le virus de pénétrer et d’infecter des cellules hôtes”, explique son directeur, Jean-Philip Piquemal.
La taille et la complexité de cette protéine alourdissent cependant les calculs et les modélisations. Les chercheurs s’appuient donc sur un accès prioritaire à Jean Zay et sur le logiciel de simulation en dynamique moléculaire Tinker-HP.
Le deep learning pour une médecine de précision
Approche émergente pour le traitement et la prévention des maladies, qui tient compte des caractéristiques génétiques, de l’environnement et du mode de vie des patients, la médecine de précision a pour objectif une prise en charge plus personnalisée et prédictive.
Elle doit permettre d’affiner les diagnostics et de mettre au point des traitements plus efficaces et adaptés aux individus, de mieux détecter le développement des maladies et suivre leur progression.
Au cœur de cette médecine de précision, les données produites par les technologies et les sciences “omiques”, c’est-à-dire l’ensemble des outils permettant de comprendre le fonctionnement de systèmes biologiques complexes en s’appuyant sur l’analyse de données massives issues de plusieurs disciplines de la biologie moléculaire (génomique, métabolomique, protéomique, etc.).
Les données omiques sont complexes et hétérogènes, et les chercheurs se tournent désormais vers des méthodes d’apprentissage profond (deep learning) pour en extraire des connaissances.
Ces algorithmes permettent d’analyser et de croiser les données omiques afin de découvrir, par exemple, de nouveaux biomarqueurs, mais aussi de les combiner avec d’autres données comme les dossiers médicaux électroniques, l’imagerie médicale, ou les données de capteurs connectés.
De manière générale, le deep learning est de plus en plus utilisé comme outil prédictif et d’aide au diagnostic. Il a donné des résultats intéressants dans la détection précoce de cancers.
Parmi les exemples, un algorithme de deep learning permettant d’identifier un risque de cancer du sein avant qu’il ne se développe, un autre capable de classifier des mélanomes avec la précision d’un dermatologiste, un troisième capable de détecter automatiquement des polypes colorectaux.
La blockchain pour sécuriser les données médicales
Pour libérer leur potentiel, les technologies requièrent énormément de données (images médicales, données d’essais cliniques, etc.), y compris les données des patients recueillies par les médecins, les centres hospitaliers, ou les laboratoires, dont la sécurité constitue un enjeu majeur pour le secteur de la santé.
Un autre enjeu est celui de leur interopérabilité : l’échange d’informations entre les acteurs de santé est souvent long et coûteux, les différents systèmes informatiques n’étant pas toujours pensés pour agir les uns avec les autres.
Dans ce contexte, la blockchain apparaît comme un moyen de garantir la sécurité et l’intégrité des données – grâce au cryptage et à son caractère distribué –, mais aussi de résoudre les problèmes d’interopérabilité en favorisant, grâce aux smart contracts notamment, la standardisation des données.
En Estonie, par exemple, la société Guardtime, en collaboration avec la Estonian eHealth Foundation, a sécurisé l’historique de toutes les opérations effectuées sur les dossiers médicaux de l’ensemble des résidents du pays sur la blockchain, permettant de détecter facilement toute altération et brèche de sécurité.
En Europe, le projet MyHealthMyData, porté par la Commission européenne, vise à concevoir une architecture pair-à-pair s’appuyant sur une blockchain privée permettant d’échanger des données de santé en sécurité et en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Pour les patients, cela se traduirait par la création d’un compte personnel leur permettant d’accéder à leur dossier médical en format digital, d’y agréger des données de sources variées et de rendre ces données disponibles pour la recherche médicale.
À travers un consentement dynamique, ils pourraient définir les conditions d’utilisation de tout ou partie de leurs données, anonymisées ou non, en fonction des usages prévus. Ils pourraient également couper l’accessibilité de leurs données en accord avec le droit à l’oubli. Ici, la blockchain offre donc un cadre permettant au patient de contrôler, et éventuellement monétiser, l’accès à ses données de santé.