« Derrière l’agriculture de précision, il y a l’idée qu’il faut apporter seulement ce qui est strictement nécessaire. »
Il y a deux ans, des ingénieurs du site Orange Labs de Lannion, dans les Côtes-d’Armor, décidaient de s’intéresser à la smart agriculture. Un nouveau terrain d’exploration leur permettant d’expérimenter des solutions de valorisation des données tout en aidant un secteur qui peine parfois à s’ouvrir aux nouvelles technologies. La chambre d’agriculture de Bretagne leur fournit alors un set de datas d’élevages porcins, issues de trois stations expérimentales réparties sur le territoire. Elle met en outre à leur disposition un expert avec qui échanger sur les besoins des éleveurs et les spécificités des données zootechniques. Vous connaissiez le Big Data ? Voici le Pig Data !
Les chercheurs de Lannion commencent alors à travailler sur le projet « Pig Data Solution », en collaboration avec leurs collègues d’Orange Labs Sophia Antipolis, spécialisés dans l’analyse et le traitement de données. Ces derniers constatent d’abord que les données porcines ne sont pas exploitables par des logiciels de traitement classiques. Ils décident donc de développer une application mobile. Son but : permettre aux éleveurs de saisir les données à l’aide de leur smartphone afin qu’elles soient directement utilisables par des outils informatiques.
« Et puis on a voulu aller plus loin, raconte Yvan Picaud, ingénieur Recherche et Développement au sein d’Orange Labs Lannion. On s’est dit qu’il fallait simplifier l’utilisation même de cette application grâce à la contextualisation. » Concrètement, à l’intérieur d’une maternité porcine, par exemple, lorsqu’un producteur passe son téléphone au-dessus de la lumière qui éclaire la case d’un animal, il retrouve automatiquement son dossier et peut saisir les informations souhaitées.
Cela est rendu possible grâce au Li-Fi, technologie de communication sans fil qui repose sur la lumière. Les problèmes de connexion Internet étant fréquents dans les exploitations agricoles, le Li-Fi intéresse particulièrement le laboratoire de Lannion. « L’avantage, c’est que la connectivité est là où est la lumière, souligne Yvan Picaud. Avec Pig Data Solution, nous continuons donc à travailler sur de nouvelles technologies de connectivité, qui restent notre cœur de métier. »
La data au service d’une agriculture raisonnée
Que faire des données zootechniques recueillies ? Comment les valoriser, c’est-à-dire les rendre intelligibles et utiles pour les agriculteurs ? À Lannion et à Sophia Antipolis, les deux équipes de chercheurs ont mis au point des outils de visualisation – tableaux, graphiques dynamiques, etc. – afin de « traduire » les données brutes en informations lisibles pour les éleveurs. S’y ajoutent des algorithmes statistiques leur permettant de savoir dans quelles conditions d’élevage leur production est meilleure.
Les chercheurs ont notamment travaillé sur des données ayant un impact sur l’indice de consommation. Cet indicateur essentiel pour les éleveurs mesure l’efficacité de la conversion d’un aliment en une production donnée.
« Aujourd’hui, l’un des problèmes majeurs est que les producteurs ne prennent connaissance des indicateurs de performance de l’élevage qu’une fois à l’abattoir », explique Yvan Picaud. Le dernier volet de Pig Data Solution consiste donc à permettre à ces derniers de suivre l’indice de consommation au plus près et de disposer des informations plus en amont qu’aujourd’hui, afin d’être alertés en cas de baisse de la productivité, voire de l’anticiper, pour pouvoir agir de manière proactive.
L’enjeu ? Une agriculture mieux maîtrisée et plus raisonnée. « L’analyse de données permet d’avoir une vue beaucoup plus globale et, de cette manière, de pouvoir améliorer les procédés », ajoute-t-il. Yvan Picaud pense par exemple à l’usage des intrants « puisque derrière l’agriculture de précision, il y a l’idée qu’il faut apporter seulement ce qui est strictement nécessaire ».
Encore au stade de prototype, Pig Data Solution a permis aux ingénieurs de Lannion et de Sophia Antipolis de montrer, très concrètement, comment les expérimentations menées dans les laboratoires d’Orange pouvaient aider les agriculteurs. Primée au Space 2016, le Salon international des productions animales qui se tient tous les ans à Rennes, la solution pourrait être étendue à d’autres domaines.