Bienvenue dans la connectivité de l’extrême

La moitié de la population mondiale n’a pas accès à Internet, essentiellement dans les pays émergents. Comment accroître la couverture dans ces zones à faible densité de population et à un coût abordable ? Les initiatives se multiplient, des constellations de satellites nouvelle génération aux plateformes à haute ou basse altitude. Tour d’horizon.

Les ballons captifs, missions en basse altitude

Il s’agit de ballons stationnaires, comme ceux proposés par  l’entreprise britannique Helikite, à la mobilité parfaitement contrôlée (ils sont attachés à un câble). Situés entre 60 et 1000 mètres du sol, ils constituent de véritables pylônes aériens. Rapidement déployables sur le terrain, ils ont souvent été utilisés dans un contexte de catastrophe naturelle ayant entrainé la destruction partielle ou totale des télécommunications terrestres. Dans ce cas, les capacités temporaires permettent d’attendre que les ressources de télécommunications soient réparées.

Et si on prenait de la hauteur ?

Entre drones et satellites, les High Altitude Platforms (HAP) sont des types de plates-formes avec à leur bord énergie solaire et équipements télécoms, et qui volent en haute altitude, à plus de 20 kilomètres du sol. Ils pourraient offrir des avantages que procurent les satellites géostationnaires en termes de couverture tout en étant moins chers à fabriquer.

Loon, les ballons connectés de Google

En 2013, Alphabet, la maison-mère de Google, a lancé Loon, un projet de ballons solaires gonflés à l’hélium. Même si Google n’est pas le premier à avoir pensé aux ballons météo pour un usage télécom, sa filiale Google X a su contrôler la trajectoire de ces ballons dits dérivants sans attendre de longues phases de prototypages. Situés à une vingtaine de kilomètres au-dessus de la Terre, avec une autonomie d’environ trois mois, ces ballons servent de relais mobile de communication lors de catastrophes naturelles. Par exemple, en novembre 2017, après l’ouragan qui a dévasté Porto Rico, une couverture d’urgence a été installée, permettant une connexion Internet à 100 000 personnes sur 3,5 millions d’habitants. Le mécanisme est le suivant : les ballons sont dotés d’une double enveloppe avec, d’un côté, un volume d’hélium et, de l’autre, un volume d’air. Equipé d’un petit compresseur alimenté par des panneaux solaires, chaque ballon, en fonction de son volume d’air ou d’hélium, peut changer d’altitude. Par ailleurs, sur la base des cartes météo de la basse stratosphère qui donnent l’emplacement des courants d’air, les ballons sont positionnés à la bonne altitude au moyen des compresseurs, afin de voler dans la direction planifiée. Pour plus de précision,  Alphabet ne se contente pas d’un seul ballon mais d’une « flotte », ou « constellation » de ballons. Avec une efficacité opérationnelle qui reste à fiabiliser, notamment en termes de lancement, récupération et reconditionnement des ballons,  Alphabet offre une couverture essentiellement régionale. Il lui reste également à trouver un modèle de collaboration avec les opérateurs pour proposer des services de bout en bout.

Aquila, le prototype d’avion solaire autonome de Facebook

Depuis 2015, Facebook, à travers son projet Aquila, travaille au lancement d’une flotte d’une centaine d’avions solaires autonomes de la taille d’un Boeing 737 mais ne pesant que… 400 kilos chacun. Positionnés à une vingtaine de kilomètres de la Terre, ils embarqueront à leur bord des équipements télécom et seront reliés entre eux pour communiquer via un système laser de type FSO (Free Space Optics). Facebook souhaite ainsi assurer un accès à Internet pour tous. En novembre 2017, un partenariat entre Facebook et Airbus a été annoncé, visant à étendre le développement du programme de drones à un système de connectivité haut débit de haute altitude via le concept de HAP (High Altitude Platforms). Outre la maîtrise respective des technologies des véhicules stratosphériques, Facebook et Airbus cherchent, au travers de ce partenariat, à s’unir pour user de toute leur influence dans les négociations sur les allocations de fréquences demandées à l’ITU (International Telecommunication Union).

Airbus fait souffler son Zephyr

Avec une zone d’actions plus restreinte que les satellites traditionnels, le Zephyr d’Airbus est conçu pour transporter des charges utiles de quelques dizaines de kilogrammes pendant plusieurs mois, avec des batteries secondaires utilisées pour le maintenir sous tension même pendant la nuit. A travers cet investissement, Airbus souhaite amener la connexion Internet dans les régions les plus reculées du monde et fournir aux passagers de vols longs courrier une connectivité ininterrompue.

Stratobus, le dirigeable de Thales

Officialisé en avril 2016, le programme du Stratobus a été lancé par Thales Alenia Space, pour un premier vol prévu en 2021. Ce dirigeable pourra supporter jusqu’à 250 kilos de charges utiles, disposera de moteurs à propulsion électrique rechargés à partir de piles à combustible. Il devrait être utile pour compléter la capacité des réseaux de télécommunications permettant de fournir de la 4G, et bientôt la 5G. La position stratosphérique à 20 kilomètres d’altitude lui permettra de disposer d’une zone de couverture régionale. En effet, une telle altitude permettra d’obtenir de larges couvertures, tout en s’assurant de temps de latence plus courts que via les satellites, en particulier les satellites géostationnaires, qui restent pénalisés par des latences nettement plus élevées.

SpaceX et OneWeb : orbite basse mais haute performance

Plus légers (quelques centaines de kilos), plus simples et plus rapides à produire que les satellites traditionnels, les constellations LEO (Low Earth Orbit) devraient être lancées pour expérimentation d’ici à un an. Avec 800 satellites – 2 400 à terme – pour One Web et de 11 000 pour SpaceX, la phase commerciale devrait démarrer à partir de 2021. Située à 1 000 km en moyenne de la Terre, l’orbite basse est plus facile à atteindre qu’une orbite géostationnaire. Ils sont moins coûteux à lancer et la qualité de service s’en trouve ainsi améliorée. On passe aussi de gigabits/s avec les satellites géostationnaires actuels à des dizaines de térabits/s de capacité globale en terme de ressource réseau. Reste encore à démontrer que ces constellations n’interfèrent pas avec les satellites déjà en service.

Vers une connectivité partout et pour tous

Sur le plan des télécommunications, ces initiatives suscitent un intérêt croissant. Ces équipements pourraient compléter les réseaux d’opérateurs qui ont à couvrir de grandes étendues géographiques, surtout là où les déploiements terrestres s’avèrent difficiles à mettre en œuvre. Un moyen aussi de déployer une connectivité adaptée au contexte économique des territoires concernés.

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